Photographier en argentique avec une chambre photographique grand format est une véritable école du regard. Son usage est aujourd’hui réservé aux initiés pourtant il reste accessible à tous. D’autre part, on peut appliquer nombre des leçons de cette pratique à nos appareils numériques. Le mythe s’est écrit au fil des routes que les photographes d’antan parcouraient avec leurs plaques de verre et leurs appareils photographiques en bois. On imagine les expéditions du 19e siècle en quêtes de merveilles inconnues que l’on voulait enregistrer sur un petit morceau de verre enduit d’une émulsion sensible à la lumière. Avec un brin de nostalgie on se dit que photographier aujourd’hui en argentique avec une chambre grand-format est un peu fou voire impossible. Pourtant, comme nous allons le voir ici, la chambre photographique reste un appareil très accessible qui offre de nombreux avantages et possibilités.

La chambre photographique grand-format

La chambre dite field ou chambre de campagne, est utilisée pour la photographie de terrain et de voyage. Contrairement à leur cousines monorail destinées au studio, les chambres field sont pliantes et légères. Ce système qui existe depuis les premiers temps de la photographie, n’a pas pris de ride. En effet rien ne peut remplacer les mouvements entre le plan optique et le plan image. Beaucoup de ceux qui travaillent à la chambre préfèrent l’argentique néanmoins il existe différents systèmes de dos numériques et autres adaptateurs pour boitiers numériques.

Les chambres field se trouvent d’occasion mais également neuves chez différents fabricants. Les chambres photographiques actuelles sont plus légères avec des matériaux type aluminium ou titane pour les pièces métalliques. Les formats usuels exprimés en pouces sont 4×5’’ (10×12,5cm) ; 5×7’’ (13x18cm) et 8×10’’ (20x25cm). Montage d’une chambre Chamonix field 4×5’’ en quatre temps : 1 pliée , 2 déploiement du corps arrière , 3 montage du corps avant , installation de l’objectif / obturateur.

 

Pourquoi utiliser une chambre field ?

Tout d’abord pour le plaisir de photographier avec un bel objet. D’ailleurs la coutume veut que l’on donne à sa chambre un petit nom affectueux… Ensuite pour la qualité car la numérisation d’un négatif 4×5’’ (10×12,5cm) sera comparable à une image numérique d’un appareil moyen format de 100 millions de pixel. Autre avantage essentiel, les possibilités irremplaçables qu’offrent les mouvements pour contrôler la profondeur de champs et les perspectives. Pour l’amateur – au sens noble – de photographie, travailler à la chambre est la meilleure école pour développer le regard.

Vous aimez les détails ?

Le débat entre formats de capteurs APS-C et Full frame prend un petit coup de vieux avec la chambre. On est dans le superlatif … Avec 100 millions de pixels … sans forcer sur le scan. Voici une photo du château de Saumur et en rouge les 2 zones agrandies à 100% dans les photos suivantes. Mettez vos lunettes de soleil, ça pique un peu.

Détail 1 – 100%

 

Détail 2 – 100% … impressionnant !

détail agrandissemnt tirage avec chambre 4x5

Mouvements et décentrement à la chambre photographique

Le décentrement vertical ou horizontal, est le mouvement couramment utilisé pour ajuster le cadre sans effet sur la perspective. Sur la plupart des chambres field, il est disponible uniquement pour le corps avant.

décentrement avec chambre 4x5

Mouvements  de Scheimpflug

La règle de Scheimpflug est la base du principe des mouvements pour optimiser la profondeur de champ et la perspective. Naturellement, les mouvements contraires peuvent être utilisés à des fins créatives.

bascule avec chambre 4x5

Dans le croquis ci-dessous, vous pouvez voir les différentes mouvements et leur utilité

décentrement et bascule avec chambre 4x5

De la chambre … au labo

Bien qu’il y ait quelques adeptes, la chambre photographique est rarement utilisée pour la photographie d’action. En revanche elle reste très maniable pour la plupart des situations photographiques. Le secret, est de savoir concevoir et prévisualiser ses images. Le photographe à la chambre doit « voir » les images sans l’aide d’un viseur. Il trouve le bon point de vue et choisit le bon objectif avant même de déballer son matériel. Ensuite il compose une image qu’il voit inversée sur son dépoli. L’inversion de l’image éloigne de la représentation au profit de la composition et de la lumière. Cet exercice n’est pas sans rappeler les artistes peintres jugeant la composition de leurs tableaux en les observant dans un miroir.

chambre grand format - sous la capuche

L’autre point crucial est l’image qui reste latente sur le film en attendant d’être développée, cela implique de parfaitement maîtriser son cadrage au moment de la prise de vue. Les photographes qui travaillent en argentique connaissent bien le « petit coup d’adrénaline » à la sortie des films du laboratoire. Contrairement au film en rouleau, avec le plan-film, on peut ajuster le développement de chaque prise de vue. En noir et blanc, cela permet un contrôle de l’échelle des gris par rapport au sujet. Cette technique traditionnelle de la photographie noir et blanc a été quantifiée avec le « zone system » du célèbre photographe Ansel Adams. Aujourd’hui, la numérisation du négatif permet des corrections et donne de la souplesse par rapport au tirage à l’agrandisseur. Néanmoins, savoir mesurer les lumières du sujet par zone n’est pas qu’une simple technique, c’est aussi une lecture de la lumière et sa transposition dans l’image photographique.

développement avec technique du zone system

La règle de base de la prise de vue argentique en noir et blanc est « poser pour les ombres, développer pour les lumières ». Ainsi, on conserve les détails dans les basses lumières et les hautes lumières. Le zone system veut quantifier cette règle pour permettre au photographe de contrôler chaque gris de l’image autour du gris moyen de zone 5. On peut aborder ce principe de manière plus ou moins technique ou empirique.

La meilleure école

Prévisualiser l’image, concevoir la photographie, composer le cadre, lire les lumières… le travail à la chambre est la meilleure école que l’on puisse imaginer pour le regard et l’esprit photographique. Est-ce à dire qu’il faudrait travailler à la chambre photographique pour se dire photographe ? Cela reste une belle expérience à vivre mais on peut aussi adapter les leçons essentielles sans la pratiquer. Dans nos stages, nous avons élaboré une méthode pédagogique qui transpose le meilleur du savoir-faire de la photographie traditionnel pour la pratique avec son appareil photo numérique. Après tout, par delà le matériel, n’est-ce pas le plaisir, la maîtrise et la créativité qui importent en photographie ?

timing prise de vue à la chambre

Installation chronométrée d’une chambre field Chamonix 4×5’’ en prenant le temps de la mise au point et de l’ajustement des mouvements. La photographie est prise en 7 minutes 30 secondes sans se presser. Seule condition pour tenir ce timing : avoir visualisé et conçu mentalement sa photographie avant de déballer !

Plusieurs stages permettent d’apprendre à concevoir l’image de cette façon: le tout nouveau stage Focales fixes – animé par l’auteur de cet article Jean-Baptiste Rabouan – par ailleurs utilisateur expérimenté d’une chambre pour ses travaux personnels – ainsi que Cadrer avec sa tête – animé par Philippe Body

Faire une initiation à la chambre photographique

Prise de vue à la chambre field en cours particulier. Si vous êtes intéressé par une initiation consultez: http://www.rabouan-images.com/stage_chambre_photographique.pdf

Liens et ressources :

Le zone system + Galerie

Quelques chambres grand-format actuels:

www.wista.co.jp/e_wista/e_show/e_camera/e_camera.htm

www.toyoview.com

www.chamonixviewcameras.eu

www.arca-swiss-magasin.com

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Jean-Baptiste Rabouan, votre photographe formateur

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Jean-baptiste Rabouan a de nombreuses cordes à son arc : photographe, journaliste et écrivain.

Jean-Baptiste Rabouan est photographe professionnel et collabore

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avec de nombreux éditeurs de livres et titres de la presse magazine internationale. Il a été l’un des collaborateurs « staff » du magazine Grands-Reportages de 2000 à 2016 et publie aujourd’hui aux Éditions Glénat. Il a étudié le Hindi et a écrit deux romans sur l’Inde : Un Jardin sur le Gange et Le Miel Amer de l’Himalaya. Ses principaux ouvrages dont il signe les textes et les photographies sont : Ladakh, voyage au royaume de la laine ; Mother India, 2010 ; À la recherche des laines précieuses, 2015, prix AJT du livre de voyage 2016 et publié aux états-Unis ; Mogok, la vallée des pierres précieuses, 2018 ; Cyanotype livre pratique de photographie alternative, 2018.Il consacre une part importante de son travail à la photographie alternative et aux procédés photographiques anciens.

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