Le cyanotype sur verre
Le bleu de Prusse du cyanotype connait aujourd’hui une renaissance, ou plutôt une naissance, car les photographes d’antan avaient peu d’estime pour ce procédé aux modestes sels de fer. Pour les tirages d’art, ils considéraient la gamme de valeurs du cyanotype trop réduite en regard des autres procédés comme le vandyke aux sels d’argent ou mieux encore, le tirage platine. Il faut reconnaitre que la différence est bien réelle selon les critères de la photographie classique. Le cyanotype, à l’époque appelé procédé ferro-prussiate, était surtout utilisé pour les cartes postales et la reproduction de plans, mais rarement pour la photographie d’art. Aujourd’hui, la donne a changé : Avec la possibilité de réaliser un négatif numérique parfaitement adapté, il est désormais possible de produire des cyanotypes tout à fait honorables et d’autant plus si l’on réalise son cyanotype sur verre.
À l’heure de l’invention de la photographie, entre 1839 et 1840, deux techniques émergent : En France, le daguerréotype sur plaque de cuivre argenté et en Angleterre le négatif papier de Talbot. Les deux méthodes présentent des inconvénients majeurs, la première est couteuse et complexe à mettre en œuvre et la seconde est reproductible, mais peut manquer de précision dans le rendu des détails. De plus, les deux techniques exigent des temps d’expositions relativement longs – bien que des améliorations soient apportées dans les années qui ont suivi.
Un petit verre et ça va mieux
Une décennie plus tard, le verre va mettre (presque) tout le monde d’accord avec l’apparition des plaques au collodion. Ce procédé permet de réaliser à la prise de vue soit un négatif, soit un positif en appliquant un développement au sulfate de fer. Ce sont les fameux ambrotypes, connus pour les portraits diaphanes aux tonalités argentées. Le collodion est un produit visqueux à base de nitrate de cellulose utilisé en pharmacie. Utilisé en photographie avec des sels d’argent, il présente l’inconvénient de perdre une partie de sa sensibilité lorsqu’il est sec. Les images sur verre pouvaient également être produites en laboratoire par tirage contact d’une plaque négative. On produisait ainsi des positifs sur verre en série qui étaient destinés à la projection (stéréotypes) comme à l’exposition (opalotypes, orotones…). Ci-dessous : Ambrotype-au-collodion-humide
L’émulsion au gélatino-bromure d’argent apparait dans les années 1870. Plus sensible et surtout plus pratique (les plaques sèches restent sensibles à la lumière) que le collodion, l’émulsion à la gélatine s’impose rapidement. Aujourd’hui encore, la gélatine sert de base pour les tirages sur verre en cyanotype ou pour tout autre procédé. Le principal problème que rencontre le photographe qui se lance dans l’aventure du tirage sur verre est de bien étendre son émulsion d’autant plus pour faire des formats au-dessus de 20x30cm. La méthode la plus courante est l’étendage par gravité ou coulage qui est également la technique pour les plaques au collodion humide qu’il faut préparer juste avant la prise de vue. Le principe est simple : on tient la plaque de verre à plat au bout des doigts de la main directrice et de l’autre, on verse l’émulsion au centre jusqu’à former une flaque. On bascule vers un coin ; lorsque l’émulsion atteint les bords, on bascule vers le coin opposé et ainsi de suite jusqu’au quatrième coin d’où l’on évacue l’excédent. La couche doit être fine et uniforme. La plaque est mise à sécher au noir pendant une douzaine d’heures avant d’être utilisée comme pour un tirage sur papier.
le cyanotype sur verre demande un bon tour de main
À première vue c’est tout simple sauf que la gélatine ne se laisse pas manipuler si facilement : elle s’écoule trop vite en débordant ou forme des ilots en refusant de couler sur certaines zones… Pour réussir une plaque, il faut avoir la bonne recette, la bonne méthode et le bon tour de main ! Tout réside dans la viscosité de l’émulsion qui doit être parfaite au moment de l’étendage et il y a peu de marge entre le trop liquide et le trop visqueux. Le pire est qu’il ne peut y avoir de formule universelle, car de nombreux facteurs entrent en ligne de compte : la qualité de la gélatine utilisée, la température, l’hygrométrie… Il faut adapter la formulation de base de l’émulsion aux produits et à environnement de travail. La première règle est de toujours utiliser les mêmes marques et types de produits ainsi que de contrôler la température et l’hygrométrie du laboratoire. D’essai en essai, on peut ainsi mettre au point une méthode fiable.
Il existe d’autres techniques que le coulage, notamment le laminage avec une règle de verre. Cette méthode est plus simple à mettre en œuvre et offre l’avantage de pouvoir mesurer la quantité d’émulsion étendue sur la plaque. Son inconvénient est qu’il est difficile d’obtenir une parfaite uniformité, car, même une microaspérité sur la règle laissera une marque. Avec un peu d’expérience, le coulage reste la meilleure solution.
Lors du traitement, on évite tout virage ou accélérateur qui risqueraient d’interagir avec la gélatine. Pour le cyanotype sur verre, un simple lavage suffit. Mais attention, la (les) réaction d’oxydoréduction qui donne le ferrocyanure ferrique du cyanotype se complète en milieu aqueux. La perméabilité de la gélatine n’est pas celle du papier et il faut un certain temps pour que l’eau entre en contact avec les éléments réactifs de l’émulsion. Pour le dire simplement, votre cyanotype sur verre doit rester dans l’eau un bon moment ! Mais lorsque la gélatine est imbibée, elle a la fâcheuse tendance à se déliter et se décolle alors de la plaque de verre… Le problème peut-être évité par l’usage d’un durcisseur dans l’émulsion, mais là encore, il doit être parfaitement dosé au risque d’une coagulation inopinée.
Si l’on arrive à gérer les difficultés, on obtient une épreuve délicate avec un rendu des détails exceptionnel. De plus, le support est pérenne !
Apprenti bien formé, photographe récompensé
Je décris ici quelques-uns des nombreux écueils que l’on rencontre avec le cyanotype sur verre, mais ce n’est pas pour décourager ceux qui seraient tentés par l’aventure. Bien au contraire. La photographie alternative est comme toutes les autres pratiques artisanales : il faut une bonne formation et de la pratique. Rien ne s’improvise, mais le travail est toujours récompensé. Quel émoi lorsque l’on encadre son premier cyanotype sur verre sous papier de soie ou qu’on l’installe en suspend pour laisser voir sa transparence…
Le livre de Jean-Baptiste Rabouan CYANOTYPE PHOTOGRAPHIE ET TECHNIQUES CRÉATIVES édition 2022 142 pages en couleur 20x25cm Disponible en livre broché 37€ et en livre numérique 18€
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Si vous souhaitez vous initier à cette technique : Stage cyanotype à Saumur Maine et Loire – prochaine session le 21 – 22 janvier 2023 – Promotion avecunphotographe : le livre est offert pour toute inscription au stage.
Lorsque je lis un article, regarde le résultat photographique mon cœur balance entre la beauté presque irréel de certaines photos et la tâche ardue de lire les ressorts chimiques nécessaires pour aboutir à un tel résultat.
C’est un art à part entière et je salut le travail de Jean Batispte Rabouen que j’ai croisé un jour dans un CHU de Touraine.
Les compositions et portraits m inspire pour un travail pictural.
Bonne continuation pour une route artistique déjà bien entamée.