Pourquoi un article sur les capteurs photo ? Parce que contrairement à ce qu’on lit ou entend souvent, il n’y a pas que la taille qui compte. C’est un poil plus compliqué et subtil que ça.

Les capteurs photo – comment ça marche ?

On ne va pas trop rentrer dans les détails, car je suppose que vous n’avez pas l’intention d’en construire un vous-même. Mais comprendre comment cela marche vous aidera cependant à faire un choix entre les différents modèles proposés et connaitre leurs qualités et défauts respectifs.

Un panneau solaire miniature

Donc en gros, les capteurs photo contiennent une couche de silicium qui lorsqu’il est activé par la lumière émet un signal électrique. Un peu comme un panneau solaire donc. Ce microsignal est ensuite converti en valeur numérique (des 0 et des 1) par le processeur embarqué dans l’appareil. Le capteur est physiquement divisé en de multiples cellules appelées photosites ou photodiodes dont la taille se mesure en microns ou nanomètre.  Bref, c’est vraiment, vraiment petit. Les informations recueillies par ces photosites vont ensuite donner un pixel après passage dans les entrailles du processeur.

Photosite ou pixel ?

Voilà une méprise classique : le photosite est physique, le pixel est une création numérique qui n’a pas de réalité matérielle. Dans un capteur classique à matrice de Bayer, il faut jusqu’à 4 photosites pour créer 1 seul pixel. Cependant, comme celui-ci est créé à partir de photosites voisins, il y a en général plus ou moins le même nombre de pixels que de photosites.

Les différentes couches des capteurs photo

Les capteurs photo sont recouverts en moyenne de 5 couches de verre. La première, située à l’extérieur, le protège des poussières et autres aléas du monde extérieur. La seconde filtre les infrarouges * pour éviter une coloration de l’image. La troisième est appelée filtre « passe bas » ou filtre « anti-aliasing ». Il s’agit d’un effet de crénelage (appelé aliasing ou pixellisation). Tenter d’éviter cet effet a conduit les fabricants à créer un filtre de flou, pour faire du net. La 4° couche est constituée de microlentilles qui servent à diriger correctement les rayons de lumières vers les photosites. Tâche plus facile sur un reflex qu’un hybride dans lequel l’objectif est plus proche du capteur. Enfin, la dernière couche contient les filtres colorés rouges, verts ou bleus. Chaque photosite ne recevant qu’une seule couleur à la fois.  C’est le processeur qui va finalement attribuer à chaque pixel sa couleur définitive en se basant sur les photosites voisins. Cette ultime couche ressemble à un damier coloré (sauf pour les capteurs Fovéon de Sygma dont on parle plus loin).capteurs photo

Pour des raisons techniques, chaque photosite doit être séparé de son voisin. Non pas parce qu’il est d’humeur grincheuse, mais pour éviter un éblouissement d’un pixel par un autre. Si vous allez à une soirée geek, on appelle cela l’effet blooming. Dans le dessin ci-dessous, on voit le rôle des lentilles correctrices. Elles redirigent  et réorientent les rayons vers chaque photosite.

capteurs photo - lentilles collectrices

Crénelage et moirage – de quoi nous mettre en rage.

L’aliasing ou effet de crénelage dans la langue d’Astérix apparait notamment lorsqu’une scène comporte des détails trop petits pour être enregistrés par le capteur. Le phénomène s’aggrave avec des motifs géométriques, petits et inclinés. Pour ceux qui aiment les formules et veulent tout comprendre, l’article de référence sur le sujet a été publié par Astrosurf. Pour éviter cela 2 solutions : augmenter la définition, c’est-à-dire le nombre de pixels du capteur (et surtout la taille des photosites) ou ajouter un filtre passe-bas. Ce dernier va créer un flou autour des pixels pour éviter cet effet d’escalier. Le filtre passe-bas peut être matériel – c’est-à-dire intégré au capteur ou logiciel (Photoshop, etc.). Il possède son double qui est du côté lumineux de la force et s’appelle le filtre passe-haut dans Photoshop et Clarté ou texture dans Lightroom. Bon, ce n’est pas d’une grande poésie tout ça, je vous l’accorde.

capteurs photo aliasing

Il s’agit d’éviter aussi le moirage. Cette fois, on parle d’un reflet provoqué par certains motifs très fins (mailles des rideaux, textiles, motifs à rayures ou carrés très petites. C’est pour cela que vous ne verrez pas les présentateurs télé porter ce genre de motifs. Dans l’image ci-dessous, on distingue comme des irisations vertes et magenta sur le fichier JPEG. Par contre, le fichier RAW en est débarrassé, par simple correction automatique (dans Lightroom). Il y a un très bon article des Numériques sur le sujet pour les férus de technologie. Seul le filtre passe-bas limite aujourd’hui le moirage, sans pouvoir l’éviter totalement. Et ce quel que soit le prix de votre bijou. A l’heure actuelle, la tendance est à la suppression du filtre passe-bas sur les boitiers haut de gamme, mais cela ne résout pas le problème de moiré.

les capteurs photo et l'effet de moiré

Bayer, X-Trans ou Foveon ?

Tous les capteurs photo sont monochromes. La couleur est simulée par le processeur à partir des infos transmises lors du passage à travers la couche contenant les filtres colorés. On en trouve principalement 3 sortes :

  • la matrice de Bayer avec une répartition équilibrée des filtres vert, rouge et bleu,
  • le système X-Trans, unique à Fujifilm avec une répartition différente des couleurs et qui privilégie les verts et les rouges.,
  • les capteurs Fovéon – qui équipent exclusivement les appareils Sygma et possèdent 3 couches successives. La séparation des couleurs se faisant selon la longueur d’onde.

les capteurs photo

Les capteurs et les couleurs

La matrice de Bayer a un défaut, elle crée plus de moiré coloré. Un problème qui donne des couleurs pas toujours très réalistes et quasi impossibles à corriger. C’est pour cela, que Fujifilm, fort de son expertise d’ancien fabricant de films argentiques couleurs a développé la matrice X-Trans. Le résultat est nettement plus agréable avec des couleurs plus justes et exemptes d’aberrations chromatiques dues au moiré. Mais le calcul des couleurs est plus lourd et donc plus long. Des soucis dans le rendu de certains verts ont aussi été notés par certains utilisateurs. Enfin, Sygma a adopté une approche technique très différente en remplaçant les filtres par des couches. Plus de moiré du tout, mais une montée en ISO très réduite à cause de l’épaisseur de ce système. D’excellents capteurs donc, mais ne pouvant monter trop dans les hautes sensibilités ISO.

Bref, à part Fuji et Sygma, il n’y a pas beaucoup de différences dans la façon dont fonctionnent les capteurs photo à ce niveau.

Les différentes technologies des capteurs photo – CCD – CMOS – Fovéon

À l’aube des temps des temps numériques – il y a 20 ans quoi – les capteurs étaient de type CCD. Toujours utilisé sur les compacts et sur les systèmes à très haute résolution, il produit des images de grande qualité. Son principal défaut est de générer du « bruit ISO » lorsqu’il chauffe.

Le CCD est mort, vive le CMOS

Abandonné sur les reflex, le CCD a été remplacé par les capteurs CMOS, pourtant moins bons au départ, mais plus compacts. Très semblables, ils consomment moins et sont économiques à produire.  Aujourd’hui, les capteurs CMOS sont devenus d’excellentes qualités.

Les capteurs Fovéon

Dans ce type de capteur, chaque photosite recueille les valeurs à travers 3 couches comme un film argentique. Il enregistre 3 couleurs et non pas une comme dans les CCD ou les CMOS. Moins chers à produire et plus propres, ils sont considérés par beaucoup comme les « meilleurs » et produisent des images de grande qualité. Excellents, mais comme on l’a vu plus haut, ils ne tolèrent pas beaucoup la montée en ISO et ne sont donc pas adaptés à une pratique photo polyvalente.

FSI ? BSI ? l’enquête du FBI vous dira tout

Les capteurs photo sont aujourd’hui de 2 sortes :  les FSI et les BSI. Dans la première version qui équipe aujourd’hui encore la plupart des appareils, les circuits électriques chargés d’acheminer les infos issues des photosites se trouvent au-dessus de ceux-ci. Le problème étant que ces circuits réfléchissent une partie de la lumière arrivant par l’objectif. Celle-ci est donc perdue pour le capteur. Dans les smartphones et les appareils haut de gamme, les circuits se trouvent sous les photosites. On parle alors de capteur rétroéclairé (BSI = backside illuminated) ou éclairé par l’arrière, mais ça fait moins chic. Cela permet de limiter la montée du bruit ISO dans les hautes sensibilités notamment sur les très petits capteurs (smartphones, 1 pouce et 4:3). À partir du format APS-C et Plein format le gain est plus négligeable, mais tout de même réel. On préfèrera donc le capteur BSI au FSI.

Enfin, dernier-né de la technologie, le capteur empilé est séparé de ces circuits électriques et placé directement sur une puce. Côté qualité d’image, pas de révolution, la plage dynamique est légèrement augmentée (dans les hautes lumières surtout). Mais c’est surtout côté rapidité que ça se passe. Grâce à une mémoire interne plus importante et un traitement plus rapide, les cadences rafales augmentent fortement. Cet aspect intéressera particulièrement les vidéastes et les photographes de sport et d’animalier.

Pour les autres utilisateurs, il est surtout intéressant parce qu’il diminue fortement l’effet dit de rolling shutter dont je parle un peu plus loin.

capteurs photo

L’effet sardine en boite

Bon, c’est moi qui appelle ça comme ça, mais c’est pour l’image …
Donc si l’on met beaucoup de pixels sur un capteur, ils sont forcément plus serrés. Cela peut aussi donner du blooming dont on a déjà parlé plus haut ou du crosstalk comme on dit dans la langue des geeks. À savoir que la lumière qui atteint le pixel-sardine N°1, peut atteindre aussi sardine N°2. La faute au prix du micron carré de plus en plus cher. Avec comme résultat des hautes lumières qui bavent un peu  (blooming) voire du flou (crosstalk). Bon, cela concerne surtout les petits capteurs (smartphones, compacts, 4:3) avec beaucoup de pixels.

La gestion du bruit ISO

Ce même effet sardine peut créer un échauffement plus fort et plus rapide qui se traduit par une montée du bruit ISO plus importante (bruit couleur surtout). Ce qui se corrige de plus en plus facilement en post-traitement. Donc, si vous avez un capteur APS-C ou 4:3, évitez de dépasser des valeurs de 24 millions de pixels. Cela est vrai aussi pour les capteurs 24×36 mm. Le maximum de pixels n’est pas toujours le choix le plus rationnel, surtout si vous faites de l’animalier. En clair, mieux vaut des gros photosites que plein de pixels, surtout si vous ne faites pas des tirages géants.

L’effet obturateur rotatif ou rolling shutter

Sur les hybrides, l’obturateur électronique permet de photographier sans le moindre bruit. C’est génial dans plein de situations. Par exemple si vous êtes en train de photographier une réunion de Yakusas et de mafiaux italiens sans être invité, c’est vraiment vraiment bien. Mais si votre sujet est en mouvement, vous pouvez vous retrouver avec une image un peu bizarre, voire carrément déformée. C’est ce que l’on appelle l’effet Rolling shutter et non ce ne sont pas les successeurs des Rolling Stones. En fait, en mode obturateur électronique, l’enregistrement de l’image se fait ligne par ligne, en partant du haut de l’image. Selon les marques et les capteurs photo, cela peut prendre 1/60° de seconde voir un peu plus. Si vous avez pris votre image à une vitesse de 1/1000° de seconde, par exemple, il y a donc un décalage. Celui-ci entraine une déformation des objets mobiles comme dans l’exemple ci-dessous. Et ce n’est pas très esthétique. Évidemment, plus il y a de pixels à enregistrer et plus le décalage est important. Les capteurs de type empilé réduisent l’effet rolling shutter et c’est un vrai plus sur les hybrides.

effet rolling shutter

La taille ne fait pas tout

On a déjà pas mal abordé ce sujet dans cet article et le choix d’un système se doit de prendre en compte de nombreux éléments : pratique, budget, usage final des photos, etc.

Les capteurs photo et l’autofocus

Traditionnellement, l’autofocus se faisait en argentique et sur les premiers boitiers numériques – par détection du contraste. Plus rapide et plus fiable, le système appelé par « corrélation de phase » s’est ensuite imposé sur les reflex. Sur les hybrides, pour obtenir un AF aussi performant que sur les reflex (enfin presque), les fabricants ont dû modifier leurs capteurs photo. Je ne vais pas m’étendre sur ce sujet très complexe, mais pour que ce système AF marche il faut placer des masques sur certains photosites du capteur. Du coup ceux-ci reçoivent moins de lumière. Plus il y en a et plus l’AF est sensible et performant, mais moins il reçoit de lumière. Fujifilm de son côté a ajouté des photosites dédiés à l’AF ce qui a permis une meilleure détection à des ouvertures plus fermées. Enfin Canon, avec le système Dual Pixel a carrément masqué la moitié de chacun des photosites de ses capteurs utilisant cette norme. Cela se traduit par un AF très performant, mais une dynamique moindre et un bruit ISO un peu plus présent.

Pour ceux que cela intéresse un article des Numériques traite de ce sujet.

Conclusion

On choisit un système en fonction de plusieurs critères et pas seulement celui de la taille. je reviendrai sur ce sujet dans un guide pour aider à choisir son appareil, mais en gros voici ce qu’il vous faut étudier :

  • quelle est votre utilisation principale (paysage, animalier, rue, voyage, reportage, etc. ?
  • que faites-vous de vos photos (grands tirages haut de gamme, albums photo, internet, réseau) ?
  • à combien se monte votre budget ?
  • quel poids de matériel emportez-vous sans vous poser de questions ?

Paysage / ArchitectureAnimalier / SportReportage / photo de rueVoyagePortrait
Beaucoup de pixels. Moyen ou plein format, voire APS-C si vous randonnez beaucoup. Capteur classique ou FovéonPlein format ou APS-C - ou les 2. Pas trop de pixels. Capteur BSI et empilé de préférenceAPS-C ou 4:3 pour la discrétion et le poids. Capteur BSI et pas plus de 24 MP pour la sensibilité ISO. Empilé si possibleAPS-C ou 4:3 pour la discrétion et le poids avec Capteur BSI et pas plus de 24 MP pour la sensibilité ISOMoyen ou plein format pour le rendu de la peau et la profondeur de champ. Si petit budget : APS-C avec un objectif lumineux
Un peu de tout - petit budgetUn peu de tout - gros budgetUn peu de tout - petit sac Un peu de tout - gros sac
APS-C et 4:3 font merveille APS-C et plein format au choix - capteur BSI 4:3 ou APS-CAPS-C, moyen ou plein format au choix - capteur BSI
Que faites vous de vos imagesGrands tirages de haut niveauTirages jusqu'à 120x80 cm et albums photoécran, internet et réseaux uniquement
Moyen ou plein format avec capteur BSI et forte définitionAPS-C ou Plein format avec un minimum de 16 à 20 MPN'importe lequel

* Infrarouges : ces rayons sont nécessaires dans certaines catégories de photo comme l’astronomie ou l’imagerie médicale. Si vous souhaitez faire de la photo infrarouge aussi évidemment. Mais je ne vous conseille pas d’enlever cette plaque de verre tout seul.

Et voilà, j’espère que cet article vous a plu. Si c’est le cas merci de partager sur vos réseaux. Bon weekend à tous et à très vite … Philippe Body

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Philippe photographe de voyage professionnel a deux passions : la photographie et le voyage.  Après  … lire plus

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plusieurs séjours en Afrique, il se rend en Asie et c’est l’éblouissement. A la fin des années 80, il réalise ses premiers reportages en Inde, dont un sujet sur l’inaccessible ethnie Muria dans la province reculée du Chattisgarh et le gigantesque projet de barrage Narmada. Plusieurs publications s’ensuivent et ses premiers reportages sont diffusés par l’agence VU. En 1990, il est l’un des premiers photographes à revenir au Vietnam qui sort enfin de son isolement. Cinq ans plus tard, il entre à l’agence Hoa Qui, spécialisée dans la photo de voyage avant de rejoindre en 2007 la prestigieuse agence Hemis.fr. En 2010, il créé le site “www.avecunphotographe.fr” pour proposer ses propres stages et ceux de quelques photographes de grande qualité. Aujourd’hui son travail est diffusé par les agences Hemis.fr – Getty et AGE fotostock ainsi que sur son propre site professionnel www.philippebody.com

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