objectifs à bokehLes objectifs à bokeh sont de plus en plus populaires et de plus en plus chers. L’industrie photo adore nous vendre du matériel – avec la promesse que cela nous aidera forcément faire de meilleures images. Et cela tombe bien, car de nombreux photographes adorent également acheter du matériel avec également en tête cette idée (on devrait parler de croyance), qu’il faut – forcément – plein de matériel pour faire une bonne photo. Si on appliquait cette idée dans tous les domaines, la vie serait plus facile. Avec une grosse voiture, on deviendrait pilote de course, chef de cuisine avec un robot dernier cri et écrivain de génie avec un stylo Montblanc. Dans ce petit article, je vais comparer le bokeh de 4 objectifs dont le prix va de 50€ à 1500€. Pour ceux qui ne savent pas ce que c’est : il s’agit du flou d’arrière plan (ou de premier plan d’ailleurs) créé par la profondeur de champ.

Les rois du Bokeh – objectifs à apodisation et défocalisation

Selon l’industrie photo, si vous voulez faire un joli Bokeh, il vous faut un objectif avec une grande ouverture … donc un peu, voire très cher. Et comme il y a des fous du Bokeh, certaines marques (Canon, Nikon, Fuji, Sony) ont même conçu des objectifs – spécialisés dans le portrait permettant d’obtenir un Bokeh encore plus … moelleux qu’un fondant au chocolat. Je vous présenterai les merveilles de Nikon et le dernier-né de Canon en fin d’article. Voyons d’abord pourquoi le Bokeh des objectifs varie d’un modèle à l’autre.

On considère qu’un Bokeh est beau lorsque les bulles lumineuses ont une forme bien ronde et qu’elles sont bien floues avec des bords aussi vaporeux que possible. Pour que les bulles lumineuses soient aussi rondes que possible, il faut qu’il y ait le plus de lamelles possibles au diaphragme – car sinon une fois ouvert au lieu d’un cercle on aura des bulles de forme octogonale ou polygonale … et ça c’est moche pour un amateur de bokeh. Pour bien faire, il faudrait aussi que les lamelles en question aient des bords un peu arrondis. Ça donne plus de moelleux. Or aujourd’hui la tendance est aux objectifs super nets *, avec des bords de lamelles super nets.

Car un beau bokeh va de pair avec une transition entre zones floues et nettes tout en douceur et en dégradé. Et ça que l’on n’aime ou pas le bokeh, c’est beaucoup mieux. Donc, il faudrait un objectif qui soit modérément corrigé contre les aberrations sphériques ce qui donnerait des flous super moelleux et des transitions plus douces, mais là encore ce n’est pas du tout la tendance : nos objectifs actuels sont super corrigés. D’où la sortie d’objectifs spécifiques pour créer des flous de profondeur de champ superbes avec un bokeh magnifique.

Le filtre d’apodisation du Fuji XF 56 mm f/1.2 APD

Chez Fujifilm, parmi les objectifs – dits à portrait – on trouve un 50 mm F1.0 (équivalent 75 mm en 24×36) au prix de 1200€ soit 3 fois le prix de celui ouvrant à seulement f/2. Comme quoi la grande ouverture … ça coûte.  On trouve 1 autre focale orientée portrait le 56 mm f/1.2 APD. Une focale équivalente à  un 85 mm en 24×36. Avec une telle ouverture on est déjà sûr d’avoir un super flou de profondeur de champ, mais Fuji a décliné l’objectif en 2 versions le 56 mm f/1.2 R  à près de 900€ et le 56 mm f/1.2 R APD à 1150€. Le sigle « APD » signifie que l’objectif embarque un filtre d’apodisation qui va lui permettre de faire des flous encore plus spectaculaires.  Le filtre d’apodisation permet de rendre les rayons lumineux passant sur les bords moins nets tout en préservant la netteté du centre. Je simplifie grave, regardez cet article très intéressant si vous voulez tout savoir sur la valeur optométrique et le facteur de transmittance. Enfin il faut aimer la technique…

Bon et sur le terrain, ça vaut quoi ces objectifs à bokeh ?

Dans cette première image, j’ai comparé le bokeh du 56 mm f/1.2 r APD – avec le filtre d’apodisation à son niveau maximum – au modeste Fuji XF 60 mm f/2.4. Ce dernier est un objectif macro qui coûte 2 fois moins cher soit 600€ environ. Évidemment, il est moins lumineux et j’ai donc testé les 2 focales à même ouverture. Pour la présentation, j’ai recadré dans l’image faite avec la focale plus courte pour que l’aspect soit identique. Les 2 images ont été développées exactement de la même façon et aucune accentuation de netteté n’a été faite. La mise au point a été réalisée sur les lèvres des amoureux et j’ai placé derrière une petite source de lumière pour avoir mes bulles de Bokeh.

Oups, le bokeh du 60 mm est carrément plus beau. On voit nettement la forme polygonale des bulles du 56 f/1.2. A vrai dire, j’avais lu un test d’un photographe de mariage américain qui avait comparé le bokeh de tous les objectifs Fuji et c’est le 60 mm macro qui arrivait en tête.

objectifs à bokeh

Mais le 56 mm n’est pas « à fond ». Voyons ce que cela donne lorsqu’il est à pleine ouverture : cette fois le 56 mm mérite son prix avec un très joli bokeh et surtout une transition zones nettes / zones floues très moelleuses. Les bulles lumineuses se confondent carrément. Oui mais il est à f/1.2. Une ouverture à laquelle la profondeur de champ est si réduite qu’il est difficile d’utiliser ce genre d’objectif et la netteté générale en pâtit aussi. L’image est moins piqué qu’avec le 60 mm pourtant lui aussi à pleine ouverture.

test de 2 objectifs à bokeh

Attendez ce n’est pas fini. Comparons le maintenant avec le zoom de base de Fuji, le 18/55 mm f/2.8-4 à l’ouverture de f/4 cette fois (ouverture maxi du zoom à cette focale). Et là, re-oups : le bokeh du 18/55 mm est plus rond, plus moelleux. Celui du 56 mm est de plus en plus géométrique. En revanche la transition zones nettes / floues est toujours meilleure avec le 56 mm.

test optiques

Et maintenant je vais comparer le 56 mm f/1.2 avec un objectif assez rare, un Helios 58 mm 44-2 f/2, un objectif manuel, acheté 60€ sur ebay et considéré comme un bokeh monster. Il ouvre à f/2 seulement mais je ne vais pas être trop méchant avec le 56 mm, je vais le laisser à f/1.2. Le bokeh du 56 mm est plus gros, celui du Helios plus beau, grâce à sa transparence. On a l’impression d’une bulle de savon transparente, pas d’un aplat de couleur. La transition zones nettes / zones floues est aussi plus douce et moins marquée qu’avec le 56 mm. Mais, l’Hélios est aussi bien moins net que le Fuji.

test optiques

Que conclure de ce vrai test terrain. D’abord un vieux coucou fabriqué en URSS – ce qui ne nous rajeunit pas – produit un bokeh plus beau, plus crémeux et moelleux que le must de Fuji à 1200€. Ensuite que ces différents systèmes (voir celui de Nikon ci-dessous) sont complexes à utiliser et assez peu rapides. Surtout, ils ne fonctionnent vraiment bien qu’à pleine ouverture. On le voit dès f/2.5 le Fuji produit un bokeh moins beau que le 60 mm macro pourtant 2 fois moins cher. C’est normal, avec les objectifs récents, il n’y a qu’à pleine ouverture que les lamelles du diaphragme forment un rond parfait et donc de jolies bulles. Or encore une fois, on utilise rarement une optique à grande ouverture à f/1.2 ou f/1.4. D’abord parce que la profondeur de champ ultra limité ne se prête qu’à un petit nombre de sujets, mais aussi parce que les performances générales sont alors en retrait. Pour un portrait par exemple, à f/1.2 rien ne vous dit – si vous n’êtes pas pile en face de votre sujet, que les 2 yeux seront également nets.

En revanche, le piqué du 56 f/1.2 et son moelleux (transition zones nettes / floues) sont meilleurs qu’avec les autres optiques Fuji. L’Hélios bat tout le monde sauf sur le terrain de la netteté – où il est fort en retrait – (et en plus il faut faire la MAP manuellement). Je n’utilise d’ailleurs cet objectif que lorsque je souhaite faire spécifiquement du bokeh.

La solution n’est pas toujours de prendre l’optique la plus chère. Un hélios produit des images au bokeh somptueux, mais avec un vrai manque de netteté sur les bords aussi. Tout dépend de ce que vous cherchez.

Les autres solutions techniques des objectifs à bokeh

Nikon, très tôt et Canon tout récemment ont aussi cherché à mettre au point un objectif dédié au portrait avec un Bokeh de grande qualité. Dans tous les cas, l’idée est d’obtenir un flou de profondeur de champ et bokeh plus doux et des transitions zones nettes / zones floues moins brutales et plus nuancées.

Nikon

Pour éviter ces transitions dures entre zones nettes et floues, Nikon a créé 2 objectifs à défocalisation le 105 AF DC f/2 et le 135 f/2 AF DC.  Dans le système Nikon : il s’agit d’une bague de réglage supplémentaire permettant de régler l’aberration sphérique, ce qui permet d’avoir des arrière-plans tout en douceur. Un autre effet du réglage de défocalisation est que l’on a l’impression que la profondeur de champ se déplace plutôt derrière le plan où on a fait la mise au point ou plutôt derrière amenant plus ou moins de Bokeh. On peut donc rendre le Bokeh en arrière-plan plus clair, des cercles nets avec des anneaux brillants, et le Bokeh au premier plan lisse et doux , un peu vaporeux. Ou vous pouvez choisir l’inverse, selon votre fantaisie. J’ai possédé le 135 f/2 AF DC Nikkor et hormis le 90 mm f/2 Fuji, dont j’ai publié un test, je n’ai jamais vu une optique aussi piquée. Mais le maniement de la bague de défocalisation, n’est ni intuitif, ni évident et en tout cas pas du tout adapté aux prises de vues en extérieur en mode reportage. Il faut prendre son temps, comparer, etc. Une fois maitrisé, oui les flous sont à la hauteur du prix un peu délirant (1400€). Traditionnellement, les portraitistes cherchent à obtenir un flou dans les cheveux à la fois moelleux et lumineux.

Voici un site montrant en image les résultats possibles

Canon

Canon a sorti récemment un – très très cher – objectif destiné au portrait et construit spécifiquement pour avoir un bokeh superbe : le 85 mm f/1.2 USM DS – vous trouverez un test en anglais ici. Le système semble se rapprocher plus de celui choisi par Fuji et Sony, mais sans commande manuelle en appliquant un traitement particulier aux lentilles. Vous pourrez vous faire plaisir pour un peu moins de 3500€. Merci de ne pas tousser.

Enfin, Sony a également sorti un objectif avec filtre d’apodisation – similaire à Fuji donc : le Sony FE 100 mm f/2.8 GM OSS – un peu moins lumineux donc, mais aussi moins cher à 1500€ seulement.

* La tendance étant à produire des objectifs ultras nets, cela se traduit bien souvent par des dégradés dans les flous de mauvaise qualité, avec des effets de zone pas très jolis. C’est très net, mais tout ce qui est hors du champ de netteté est un peu sacrifié. Cela s’obtient entre-autre avec des bords de lamelles de diaphragme, très tranchant et avec des lentilles à correction sphérique qui présentent une transition plus dure vers les zones floues. Au contraire, celles qui sont sous-corrigées pour l’aberration sphérique ont généralement une profondeur de champ beaucoup plus grande, ce qui crée une transition plus douce.

Voilà pour ce petit test terrain sur les optiques à bokeh – merci de partager et pensez à vous abonner pour recevoir les nouveaux articles. Nous ne communiquerons jamais votre adresse mail à qui que ce soit.

 

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Philippe photographe de voyage professionnel a deux passions : la photographie et le voyage.  Après  … lire plus

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plusieurs séjours en Afrique, il se rend en Asie et c’est l’éblouissement. A la fin des années 80, il réalise ses premiers reportages en Inde, dont un sujet sur l’inaccessible ethnie Muria dans la province reculée du Chattisgarh et le gigantesque projet de barrage Narmada. Plusieurs publications s’ensuivent et ses premiers reportages sont diffusés par l’agence VU. En 1990, il est l’un des premiers photographes à revenir au Vietnam qui sort enfin de son isolement. Cinq ans plus tard, il entre à l’agence Hoa Qui, spécialisée dans la photo de voyage avant de rejoindre en 2007 la prestigieuse agence Hemis.fr. En 2010, il créé le site “www.avecunphotographe.fr” pour proposer ses propres stages et ceux de quelques photographes de grande qualité. Aujourd’hui son travail est diffusé par les agences Hemis.fr – Getty et AGE fotostock ainsi que sur son propre site professionnel www.philippebody.com

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