L’importance de l’échelle en photographie dépasse le cadre de la photo de paysage.Il s’agit d’un vrai élément de cette Grammaire de l’image à laquelle nous sommes attachés sur ce blog. Un élément de composition à intégrer dans vos images … ou pas selon l’effet recherché.
Petite définition rapide de l’échelle en photographie
Une photo est une représentation en 2 dimensions d’une réalité en 3 dimensions, observée avec un effet 3D. Le sujet photographié peut être beaucoup plus petit sur la photo. Comme par exemple un tirage au format 10×15 cm de l’Everest. Mais le sujet peut aussi être beaucoup plus petit dans la vraie vie comme en photo macro et microscopique.
En clair, la représentation photographique d’un objet n’a la plupart du temps que peu de rapport avec sa taille réelle. Dans ces conditions, il est très difficile de se faire une idée de la taille de certaines choses dans une photographie.
L’échelle en photographie est donc un moyen d’évaluer la taille de tout ou partie des éléments qui la compose. Ainsi en donnant à voir une personne ou un objet dont la taille est connue, l’échelle permet de se faire par comparaison une idée des autres éléments de l’image.
Dans l’image aérienne ci-dessous, la présence des 2 silhouettes permet de se figurer la taille des bâtiments. La seule végétation ne permet pas cela à un lecteur non averti car elle est exotique. Ici, la position centrée et la couleur blanche des vêtements assure que l’échelle sera immédiatement repérée dans l’image.
Dans quel genre de photo faut il mettre une échelle ?
L’importance de l’échelle en photographie scientifique et criminelle va de soi. En photographie artistique ou documentaire, elle n’est pas forcément indispensable. Cela dépend surtout de ce que vous voulez montrer et du type de sujet..
Utiliser une échelle à des fins documentaires ou pratiques
Dans l’image ci-dessous, rien ne permet de se faire une idée de la taille de la crèche. Dans ce cas-là, on l’estime en fonction de notre propre connaissance et culture. Mais la taille des crèches dans cette rue de pêcheurs vietnamiens est nettement plus grande que dans notre culture occidentale. On voit bien un magasin dans le coin gauche de l’image, mais ce n’est pas assez évident.
Dans cette version, la moto fournit une échelle facile à évaluer et immédiatement repérable. L’intérêt de l’échelle en photographie de reportage est ici évident. Reste à trouver une échelle qui soit aussi universelle et simple que possible et qui s’intègre esthétiquement à l’image.
Voici un autre exemple d’image difficile à lire sans échelle. Les immenses carrières des Perrières à Doué la Fontaine n’offrent aucun indice permettant de se faire une idée de leur taille réelle. Un visiteur, placé dans un coin discret va résoudre ce problème facilement. Ce peut être (c’est souvent le cas) le photographe lui-même qui se met ainsi en scène.
L’échelle dans la photographie de paysage
Souvent utilisée en photo de paysage, l’échelle n’est pourtant pas toujours indispensable. Lorsque le paysage n’est pas très vaste ou montre des scènes connues avec des éléments assez facile à se figurer elle est optionnelle. C’est donc à vous de décider si vous en mettez une ou pas. Dans la photo ci-dessous, par exemple, les cormorans ne font pas fonction d’échelle. Ils contribuent à renforcer le contraste « mouvement / immobile ». En effet, avec ou sans eux on se figure assez bien la taille des rochers.
Enfin c’est ce que l’on pense. Dans la photo ci-dessous, la taille des rochers n’est pas si facile à lire. Cela vient aussi du traitement. Une pose plus longue a donné un côté plus abstrait à l’image. Une échelle aurait sans doute diminué l’intérêt de l’image dans ce cas.
Permettre une seconde lecture
Dans cette image de montagne, on peut aussi avoir l’impression qu’une échelle n’est pas nécessaire. Une montagne, c’est une montagne non ? Pourtant observez l’effet créé par l’ l’échelle en photographie , dans la photo suivante.
Un couple sert d’échelle et donne une impression d’immensité à l’image, plus forte que dans la photo précédente. Ici l’échelle a été presque cachée dans le coin extrême de la photo. Ainsi on ne les découvre qu’après une première lecture rapide de l’image. Après avoir vu l’échelle, le cerveau regarde de nouveau le paysage pour apprécier la taille de la montagne avec ces nouveaux éléments. C’est ce que l’on appelle la lecture rétro-active.
L’échelle en photographie de paysage permet donc de retenir le spectateur plus longtemps dans l’image en le forçant à lire la photo de nouveau, une fois découvert l’élément qui lui permet d’apprécier véritablement la taille des choses. Pour que cette lecture rétro-active se mette en place, il faut que l’échelle soit petite et presque cachée.
Ambiguïté du paysage
Estimer la taille des différents éléments de la photo ci-dessous est bien plus compliqué. En l’absence d’éléments connus, géométriques ou vivants, impossible de se faire une idée. Le paysage devient alors plus abstrait. La photo est moins informative, mais cela n’est pas forcément gênant. Sauf si vous souhaitez représenter la grandeur, l’immensité du lieux.
Où faut il placer l’échelle en photographie ?
Voilà une curieuse question n’est ce pas ? Et pourtant le choix de la place de l’échelle est essentiel. Si vous souhaitez créer un effet de retardement qui obligera à faire une seconde lecture de l’image, cachez le plus possible ce qui va vous servir d’échelle. Notamment si vous prévoyez de faire un grand tirage de votre photo.
L’échelle ne doit pas non plus « manger » le reste de la photo. Là encore si vous utilisez humain ou être vivant, alors évitez une taille trop importante. Pas de personne regardant l’objectif, rien qui donne trop d’importance à l’échelle en somme.
Sans échelle, l’imagination prend le relais
Pour finir voici une image d’Ernst Haas qui en dit plus long que n’importe quel article sur l’échelle, mais n’est pas génie photographique qui veut.
C’est un fait bien connu des photographes aériens : sans échelle, la photo peut vite devenir abstraite. Nombreux sont les photographes à avoir exploité cette incapacité de notre cerveau à se figurer certaines formes et couleurs sans les repères apportés par une échelle. Enlevez toute échelle et vous voilà partis pour la photo abstraite. Tout peut être matière à plonger vos lecteurs dans des univers fantastiques.
Un exemple célèbre est la photo de Ernst Haas qui illustre la formation de la terre et des volcans dans son livre « La Création ». Il s’agit en fait d’une coquille d’ormeau

© Ernst Haas – La création – http://ernst-haas.com/homepage/
Conclusion
Indispensable souvent en photo de reportage et documentaire, l’échelle en photographie permet de se faire une idée des éléments qui composent l’image. En photo de paysage, cela dépend des cas. Elle peut aussi servir à apporter une impression de grandeur, de profondeur et permettre une lecture rétro-active de votre photo. L’absence d’échelle offre un terrain de jeu à l’imaginaire et à l’abstrait. Il peut aussi permettre de dérouter le spectateur lorsque l’on en joue comme le fait le photographe Japonais Shoji Ueda.
Cet article vous a plu ? Merci de le partager sur vos réseaux sociaux. Vous pouvez aussi inviter des amis à regarder le blog, à s’abonner. C’est gratuit et ça le restera, mais nous avons besoin de nombreuses visites pour exister.
Philippe Body
Photographe de voyage professionnel, blogueur, directeur de Avec Un Photographe
Photographe de voyage professionnel, spécialisé sur l’Asie, je parcours le monde depuis l’âge de 22 ans,réalisant reportages et livres et guides de voyage. Mon travail photographique est diffusé par les agences photo Hemis.fr, Gamma-Rapho et Getty Images entre autres ainsi que sur ma photothèque pro : www.phlippebody.com
En 2011, je créé le site www.avecunphotographe.fr puis la société AVEC UN PHOTOGRAPHE pour proposer des stages photo axés sur la composition et la créativité. J’organise aussi des voyages photo en Asie. Le blog avec un photographe est lancé en 2015. Depuis le site s’est ouvert à d’autres photographes pros de talent. … en savoir plus
Bonjour excellent article.En sus de la technique le texte est là et c’est assez rare pour être signalé, il m’apparaît ne pas être de la même personne que les photos, mais bon.. Enfin le choix de trois des photos m’intrigue et, selon moi bien sur, enlève un peu de splendeur à un ensemble( l’article et le texte explicatif) presque parfait.
Les photos (avec les cormorans comme la suivante) me paraissent retouchées, sinon réalisées avec des moyens ou des conditions impossibles à obtenir « au réel » par le commun des mortels, c’est à dire autrement qu’en labo ou sur un ordi. La photo de la montagne me paraît ne pas avoir la même exposition avec et sans échelle. peut être est-ce simplement lié au changement d’éclairage entre les deux, à moins que ce soit dû au « collage » de la dite échelle ce qui pourrait être un élément dont vous n’avez pas parlé : la fausse échelle c’est à dire l’échelle dont le rapport entre la photo et elle n’est pas (exact) réel, ce qui a bien sûr, déjà été utilisé, d’ailleurs avec plus ou moins de bonheur.
Un signalement de l’objectif ouverture vitesse et éventuellement type d’appareil m’aurait comblé.
Pour terminer par exemple dans votre article sur les hybrides qui est lui aussi très bien fait mais un peu touffu, vous ne parlez pas de Pentax. bien sûr ce n’est plus ce que c’était, et je ne suis pas sûr que le passage à Ricoh n’ait pas fait disparaître les hybrides ( en fait pas le temps de suivre tout cela) mais c’est un peu dommage pour ceux qui sont passés du zenith à canon puis NIkon et arrêtés sur Pentax et le nombre d’objectifs disponibles …..c’est un peu triste, mais vous ne pouvez pas non plus parler de ce qui n’est plus ou n’existe pas encore.
On est aujourd’hui très loin des discussions sur la défintion entre ilford et Kodak ou sur la façon de faire une magnifique solarisation qui quelque part n’est plus de la photo mais de l’abstrait.
Continuez c’est bien.
Bonjour, merci pour votre commentaire 🙂
Pour répondre à vos interrogations, texte et photos sont bien de la même personne (moi-même) sauf la photo de E. Haas comme indiqué sous celle-ci. Pas de trucages pour la photo avec les cormorans (en argentique …) et rien de bien sorcier, une pose longue adaptée au temps que les oiseaux ont une chance de rester nets – soit 5 sec. je crois à l’époque. Pour la suivante, même technique mais 30 sec. de pose. techniques assez classiques et assez simple, dont j’ai parlé dans un article du blog justement – https://avecunphotographe.fr/pose-longue/ – . Pour la photo de la montagne (argentique aussi) non pas de différence d’expo, mais oui les 2 personnages ont bien été effacé sur l’une des 2 pour que l’on puisse comprendre le rôle de l’échelle justement. je ne mets pas les exifs, mais plus par flemme qu’autre chose. Je ne vois pas non plus l’intérêt à vrai dire.
Enfin, pour Pentax, et bien non la marque ne fait pas d’hybrides ce qui explique son absence
bonnes photos, au plaisir
Toujours agréable et important à lire. Merci Philippe
Merci Philippe
Mais oui, c’est évident… après avoir lu votre article. Voilà qui me donnera un nouvel élément à considérer avant de prendre certaines photos difficiles. Merci.
Merci d’avoir pris le temps de commenter Michel, bonnes photos
Merci pour cet article, explications claires et bien illustrées.
Merci Yves, bonnes photos