l'espace négatifL’espace négatif dans l’art c’est – pour reprendre la définition de wikipédia, – ce qui est autour et entre le sujet. Cela inclut le fond, le décor, l’arrière plan, etc. Encore un mot savant pour définir un truc assez simple me direz-vous. Bon il y de ça, mais c’est un peu plus subtil. On peut en effet utiliser, penser, composer cet espace négatif et là ça devient intéressant. Surtout, il vaut mieux ne pas l’ignorer. Par Philippe Body

L’espace négatif

Dans une image, une peinture, etc. il y a donc l’espace positif (le sujet) et l’espace négatif – ce qui est autour (le fond, l’arrière plan). Mais lorsque vous regardez une image, vous regardez le tout et pas simplement le sujet de cette image. C’est ce que nous enseigne la théorie de la Gestalt. Nous percevons les choses comme un ensemble et non comme les différentes parties qui le composent. En clair, pour ceux qui sentent le mal de tête monter : vous voyez une table comme un meuble et non comme 4 pieds surmontés d’un plateau. Or, si vous avez déjà acheté chez Ikéa, vous savez qu’une table c’est 4 pieds et 1 plateau (et une notice plus ou moins obscure). Le fond,  j’en ai parlé souvent, n’est jamais neutre : il sert ou dessert votre sujet. Il peut aussi apporter des informations complémentaires, contraster avec lui, etc. Bref, il faut regarder le fond, l’arrière plan de votre image et y réfléchir et composer avec lui.

Mettre en valeur son sujet

En tant que photographe, vous avez intérêt à vous soucier de l’équilibre entre espace positif et négatif, du rapport qu’il y a entre eux et de leurs poids visuels respectifs. Par exemple, un espace négatif vide autour du sujet, va permettre d’identifier celui-ci rapidement. C’est très utile lorsque la photo a des chances d’être visualisée en petite taille (réseaux sociaux, presse magasine, etc.). Un espace négatif, neutre ou vide met en valeur le sujet qui se détache parfaitement sur ce type de fond.  Je rappelle qu’en photographie, les objets, les personnes qui sont sur le même plan focal que le sujet ne font pas partie de l’espace négatif.

Contrastes de couleurs

Un contraste de couleurs entre espace négatif et positif va provoquer un impact visuel qui sert le sujet. Un citron jaune ou une orange sur fond de ciel bleu est l’exemple type.  Dans l’image ci-dessous le contraste tons chauds et tons froids entre soleil et ciel sert l’image et a permis un cadrage très large avec beaucoup de vide.

l'espace négatif

© Philippe Body – Tay Ninh – Vietnam

Cheyco Leidmann – photographe de mode coloriste et déjanté composait son image en pensant à l’avance ses espaces négatifs. Dans l’image ci-dessous tirée du livre Foxy lady, la robe jaune de la femme et le ciel bleu tirant sur le violet créent un contraste de couleur très puissant. Le photographe australien a été l’un des tout premiers à oser faire de la photo de mode en extérieur. Il a contourné les difficultés en faisant des repérages qui lui permettaient de « contrôler » l’espace négatif de ses compositions.

Cheyco Leidmann l'espace négatif

© Cheyco Leidmann – Foxy Lady

L’espace négatif en macro-photo

Comme M. Jourdain qui faisait de la prose sans le savoir, de nombreux amateurs de macro-photo font de l’espace négatif à l’insu de leur plein gré pour reprendre une formule célèbre. Un fond très flou est en effet, un exemple type d’espace négatif mettant en valeur le sujet. N’oubliez pas non plus les autres règles de composition telles que nous en avons parlé dans la grammaire de l’image.  Par exemple, le fond ne devrait pas être plus clair que le sujet – sous peine de réduire fortement l’impact visuel de celui-ci.

Less is more*

Célèbre slogan publicitaire que l’on pourrait appliquer à l’espace négatif. Autrement dit, plus l’espace négatif est … négatif – vide – nu – neutre sobre – et plus il met en valeur l’espace positif. Du coup, on se dit, tiens je vais faire des sujets sur fond blanc …

Et bien vous n’êtes pas le seul à y avoir pensé. C’est même la définition d’une photo de produit ou packshot pour les anglophiles. Un produit sur fond blanc met totalement en valeur le sujet (photo de la bouteille à gauche). Au contraire de la photo d’ambiance (photo de la même bouteille dans la cave) qui elle va raconter une histoire, placer le sujet dans un contexte, etc. Dans cet exemple, la cave, les tonneaux, suggèrent un vieillissement du vin, le plateau et les 2 verres laissent entendre qu’il est possible de déguster, de goûter, etc.

packshot ou ambiance - 2 versions d'un même sujet

L’espace négatif est au centre de la composition minimaliste

Dans une composition minimaliste, l’espace négatif a en général un rôle important. Là encore, il s’agit ne pas en faire trop et de mettre en valeur le sujet sur un fond qui ne le perturbe pas. Il faut aussi que le fond soit de même teinte, luminosité, couleur que le sujet afin que tous les éléments se fondent dans l’image finale. Dans l’exemple ci-dessous, la brume crée un fond blanc très clair qui fait ressortir le sujet (l’arbre solitaire sur son île). Pour éviter que les arbres au fond ne prennent trop d’importance, je les ai volontairement laissé dans un léger flou de profondeur de champ et la brume a fait le reste en dé-saturant leur teinte.

espace négatif et minimalisme

Espace négatif vs Espace positif

Vous connaissez le dicton : « la nature a horreur du vide ». Et bien elle n’est pas la seule. La plupart des humains aussi. Le danger de l’espace négatif en composition photo, c’est de créer des grandes zones vides – qui certes vont mettre en valeur le sujet, mais plutôt par défaut (il n’y rien d’autre à voir). Une grande zone vide, dépourvue de textures, de couleurs, etc., va très vite lasser et ne permet pas de faire des cadrages larges.

Quand faut-il donc travailler avec l’espace négatif et quand vaut-il mieux l’éviter ?

Un espace négatif trop important peut rendre le sujet petit, voire insignifiant, exactement comme un cadrage très excentré. Lorsque l’œil ne trouve aucune raison de s’attarder sur un fond sans information, il concentre son attention sur le sujet. Mais encore faut-il que celui-ci soit assez fort, intéressant et attractif pour retenir notre regard. Une absence d’espace négatif peut conduire à une image illisible si le ou la photographe a oublié de créer une hiérarchie entre les plans (sujet / fond). C’est le risque principal.

Dans l’exemple ci-dessous, on voit 2 traitements photo très différents, parce que voulant montrer, souligner 2 propos très différents. Dans l’image de gauche, la photographe  Jennifer Breuel montre une femme de l’ethnie Himba en Namibie faisant ses courses dans un supermarché. L’idée est de montrer que ces personnes que des touristes viennent photographier de loin, pour leurs coutumes, leurs costumes bref leur look exotique et tribal ont en fait une vie plutôt normale et utilisent les services des supérettes comme le reste de la population. Le fond est évidemment indispensable puisque c’est lui qui porte le propos de l’auteur.

Elle gère cependant le fond en créant un petit flou de profondeur de champ pour que le sujet se détache et nous invite à réfléchir en demandant à son sujet de poser droite, digne et de face, montrant par là sa grande maitrise de l’écriture photographique.

Analyse du traitement de l’espace négatif

Dans l’image de droite, le photographe Kirk Malcom s’efface au contraire totalement devant son sujet. Le traitement ultra minimaliste (prise de vue en studio, fond gris, absence de pose recherchée ou d’effet de lumière, etc.)  nous permettent de nous concentrer uniquement sur le sujet : l’être humain en tant qu’œuvre d’art – ce qui était la vision du photographe devant les aborigènes d’Australie.

le fond et le sujet - espace négatif

  • Less is more : « moins c’est mieux » (ou plus), expression tirée d’un poème de Robert Browning datant du 19ème siècle. L’expression a été très utilisée dans le domaine artistique et plus particulièrement du design. C’est l’architecte Mies van der Rohe – apôtre du minimalisme qui a popularisé ce slogan. Il s’agit de privilégier l’utile sur l’esthétique pure, de simplifier de moderniser de revenir à des valeurs vraies plutôt qu’à celles édictées par la mode et l’époque.

 

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Philippe Body, votre photographe formateur

Philippe Body, votre photographe formateur

Philippe photographe de voyage professionnel a deux passions : la photographie et le voyage.  Après  … lire plus

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plusieurs séjours en Afrique, il se rend en Asie et c’est l’éblouissement. A la fin des années 80, il réalise ses premiers reportages en Inde, dont un sujet sur l’inaccessible ethnie Muria dans la province reculée du Chattisgarh et le gigantesque projet de barrage Narmada. Plusieurs publications s’ensuivent et ses premiers reportages sont diffusés par l’agence VU. En 1990, il est l’un des premiers photographes à revenir au Vietnam qui sort enfin de son isolement. Cinq ans plus tard, il entre à l’agence Hoa Qui, spécialisée dans la photo de voyage avant de rejoindre en 2007 la prestigieuse agence Hemis.fr. En 2010, il créé le site “www.avecunphotographe.fr” pour proposer ses propres stages et ceux de quelques photographes de grande qualité. Aujourd’hui son travail est diffusé par les agences Hemis.fr – Getty et AGE fotostock ainsi que sur son propre site professionnel www.philippebody.com

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