La Grammaire de l’Image c’est l’ensemble des règles qui permettent l’écriture et la lecture correcte d’une image. En fait, c’est la même définition que pour la grammaire qui nous a tant occupé à l’école. Sauf que pour des photographes, apprendre la Grammaire de l’image est souvent la clé qui permet de dépasser son propre plafond de verre.
Un stage de Grammaire fondateur
Sous ce titre un peu bizarre, se trouve aussi l’un de mes stages photo les plus vendus et les plus formateurs. Fondateur serait même plus juste, tant de l’avis des participants, il y a un avant et un après le stage Grammaire de l’image. Dans cet article, je vais vous expliquer en quoi l’apprentissage de la grammaire de l’image peut être utile aux photographes sur le terrain comme en analyse d’images ou en post-traitement. Vous trouverez aussi en fin d’article une offre exceptionnelle de réduction sur le stage Grammaire de l’image. Une offre réservée exclusivement aux abonnés du blog et limitée dans le temps. Alors si vous souhaitez faire des progrès en photo, continuez la lecture
Grammaire de l’Image – origines de l’expression
C’est une expression utilisée pour la première fois dans les années 1950, par Albert Plecy, peintre, photographe et président fondateur de l’association « Gens d’image », dans son livre « Photographie Art et Langage ». La grammaire est selon le dictionnaire: l’ensemble des règles qui permettent l’écriture et la lecture correcte d’une langue. Ainsi, par extension, la Grammaire de l’image, est l’ensemble des règles permettant la lecture et l’écriture d’une image. Le visionnaire A. Plecy, avait compris que nous étions déjà entrés dans une ère de civilisation de l’image, mais que nous n’en possédions pas tous les codes. Il militait alors pour l’enseignement d’une Grammaire élémentaire de l’image dès l’école primaire. 70 ans plus tard, il faut constater que ce n’est toujours pas le cas. Le langage photographique n’ est toujours pas enseigné à l’école primaire ou secondaire.
La photographie: un véritable langage
La composition ce n’est pas une compilation de trucs et d’astuces. C’est un véritable langage, riche, complexe, avec ses règles d’écriture. Chaque fois que je rencontre un collègue à l’étranger, je suis frappé de voir la similitude dans nos raisonnements par rapport à la photographie. Une très bonne photo est une très bonne photo. Et cela vaut autant pour un photographe vietnamien que français. Certes il y a des différences d’interprétation en fonction de la culture de chacun, mais elles sont souvent minimes.
La lecture d’une image est la même pour ceux dont le regard a été bien formé, bien éduqué. Ce peut être soit par des écoles d’art, soit à travers les livres des grands photographes ou les expositions. Parfois, c’est une longue pratique combinée à un zeste de talent naturel. Faire de la photo demande beaucoup plus que de la technique ou du matériel. Il faut aussi de la créativité, un bon coup d’œil, être capable de composer une image et comme dit Joseph Koudelka, avoir quelque chose à dire. Il faut enfin que ceux qui regardent votre image, comprennent ce que vous avez voulu exprimer. Que l’image soit une peinture ou une photographie ne change rien, les règles de grammaire sont les mêmes.
Mais apprendre à composer est plus long et difficile que d’apprendre la technique. C’est également plus intéressant et plus déterminant dans la réalisation d’une très bonne photo.
Comprendre ses erreurs de composition
Lorsque vous faites une erreur technique de mise au point ou d’exposition, vous obtenez une image floue, trop sombre ou trop claire. Le problème est facile à identifier et donc à corriger. Mais lorsque votre premier plan recoupe votre sujet ou qu’il n’amène pas jusqu’à lui, rendant votre image du coup plate et sans relief, c’est plus difficile à voir et donc à corriger. C’est à cela que sert la grammaire de l’image, à comprendre comment fonctionne une photo. A savoir comment elle se lit et comment elle s’écrit. C’est indispensable pour analyser ses propres images, comprendre ses erreurs et éviter de les reproduire. Cela permet aussi d’analyser les images des grands photographes et comprendre les ressorts de leurs chefs-d’œuvre.
Concrètement la Grammaire de l’image ça veut dire quoi ?
Être capable de lire correctement et donc de comprendre le fonctionnement d’une photo. Ainsi, on peut identifier ce qui fonctionne ou pas dans une image, son chemin de lecture, les relations entre les différentes parties de l’image, etc. Il ne s’agit pas de dire cette image est bonne ou pas, mais bien d’expliquer pourquoi elle fonctionne ou pas.
Voici un exemple simple pour vous montrer la différence entre une règle souvent répétée, mais jamais vraiment expliquée et son explication en grammaire de l’image.
La règle qui consiste à laisser de l’espace dans le sens du mouvement
Tous le monde a un jour, lu ou vu qu’il fallait laisser de l’espace devant le sujet dans la direction du mouvement. Sinon, on a l’impression que le sujet va cogner dans le bord du cadre. Une règle que beaucoup respectent sans comprendre ce qui se passe réellement. Ce qui veut dire que tout le monde fait un peu pareil …
Alors, qu’est ce qu’il se passe dans une photo comme celle ci-dessous, qui justement respecte cette règle ? A première vue, la composition est agréable et l’espace laissé dans le sens du mouvement donne une composition équilibrée. Donc la petite règle toute bête énoncée ci-dessus à l’air de marcher. Mais ça ne nous dit pas pourquoi, or moi j’aime bien comprendre …
La règle expliquée par la grammaire
En réalité, tout mouvement connu du spectateur (ici le vélo) est naturellement prolongé par le cerveau. Cette ligne invisible s’appelle la ligne de mouvement. Mais ce n’est pas tout, le cerveau prolonge aussi la ligne créée par le regard d’un être vivant, ici le cycliste. Or ces 2 lignes sont des lignes directrices, ce qui veut dire que le regard les suit obligatoirement. Ces lignes directrices auxquelles nous avons consacrée un article complet sont des éléments très puissants d’écriture de l’image. La ligne du regard est d’ailleurs plus forte que la ligne de mouvement. Ce qui explique qu’une composition comme dans la photo du saulnier plus haut fonctionne très bien.
Vous voyez que c’est plus complexe et riche qu’il n’y parait, mais c’est aussi plus intéressant pour le photographe car cela nous ouvre un champ créatif beaucoup plus grand. Une fois compris ce qui créé le sens de lecture dans une image, on peut en jouer très facilement.
La Grammaire de l’image c’est la liberté
Que se passe t’il en effet lorsque l’on ne permet pas au cerveau de prolonger ces lignes ? Et bien, le spectateur ressent une sensation d’enfermement, de confinement, on manque un peu d’air quoi. C’est cet effet que j’ai utilisé dans la photo ci-dessous, pour montrer la détresse des réfugiés. Pour signifier qu’ils fuient la désolation visible dans le reste de l’image, je les ai volontairement mis au bord du cadre. On dirait qu’ils sont soulagés de quitter la photo.
On voit qu‘il est bien plus intéressant de comprendre pour de bon ce qu’il se passe que de se contenter d’appliquer une règle simplificatrice. D’autant que ces règles sans grande valeur, finissent par vous formater et vous empêcher de tenter certains cadrages. Au contraire la maitrise de la grammaire de l’image c’est la liberté absolue pour les photographes.
Une photo hors règles
Dans l’image ci-dessous, la photographe utilise sa connaissance de la Grammaire pour créer une composition puissante qui se joue des « pseudo-règles » de composition. Elle centre le sujet principal – ce qui donne une grande force à l’image tout en remplissant entièrement le champ et en coupant un animal. Le résultat est magnifique, mais surtout bien pensé. En effet, le cerveau complète automatiquement toute forme connue. Ce faisant il se projette hors du cadre de l’image et agrandit littéralement celle-ci. Une technique utilisée par les grands photographes et qui repose précisément sur la connaissance de la grammaire de l’image est des découvertes de l’école de Gestalt. Beaucoup de personnes vous diront qu’il ne faut pas couper. Mais combien seront capable de seulement émettre un début d’explication. Pourquoi ne faut il pas couper ? Pour éviter de blesser quelqu’un ? 😉
La lecture de gauche à droite
Voici un dernier exemple. Tout le monde a également lu que la lecture d’une image se faisait de droite à gauche. Assertion souvent relayée, mais qui n’est qu’une projection de la façon dont nous lisons un texte. Comme si texte et image se lisaient de la même façon. On sait depuis longtemps que c’est faux et j’en ai déjà parlé dans un article. Là encore comprendre la grammaire de l’image ouvre des horizons considérables.
On a tous eu envie au moins une fois de faire la photo d’une … photo ou d’une peinture au musée ou dans une expo. Mais voilà une image sur un mur c’est un peu juste en terme de composition. Voici un exemple qui utilise la grammaire de l’image pour créer une composition apportant profondeur, dynamisme et sens de lecture imposé par le photographe. Cette image a été prise au musée de la guerre de Saigon.
Écrire sa photo
Tout d’abord plutôt que de me mettre parallèle au mur, je me suis mis de biais. Je crée donc une déformation en trapèze. Ce qui donne du dynamisme. Pour contrôler ce mouvement et éviter que le regard ne sorte trop vite du cadre, j’ai attendu qu’une personne passe sur le côté gauche. Il faut juste que ce personnage soit flou pour qu’il ne prenne pas trop d’importance. Pas difficile avec la profondeur de champ. Mais plus important, il faut que son regard soit au même niveau que les yeux de l’homme photographié. Ainsi, le sens de lecture de mon image est verrouillé.
C’est une image sans prétention. Une photo de reportage, destinée à la presse magasine. Mais vous voyez qu’elle est néanmoins bien écrite, bien structurée et cette image se lira de la même façon dans la plupart des pays
Le livre La Grammaire de l’image
Je vous en avais parlé lors de la sortie de cet article et – confinement aidant – nous avons fini par trouver le temps d’écrire un livre sur le sujet. Enfin, le premier volume consacré à la lecture et l’analyse de l’image. Disponible sur Amazon – Broché – 145 pages en couleurs.
Philippe Body
Photographe de voyage professionnel, blogueur, directeur de Avec Un Photographe
En 2011, je créé le site www.avecunphotographe.fr puis la société AVEC UN PHOTOGRAPHE pour proposer des stages photo axés sur la composition et la créativité. J’organise aussi des voyages photo en Asie. Le blog avec un photographe est lancé en 2015. Depuis le site s’est ouvert à d’autres photographes pros de talent. … en savoir plus
Hâte de découvrir cet ouvrage tellement les photos me touchent… Très bonne continuation !
Merci Cécile, j’espère qu’il te plaira
Merci Philippe, c’est toujours un plaisir de lire tes articles sur ce sujet passionnant ! Ce stage a complètement changé mon approche de la photo, pour faire des images mais également pour les regarder.
L’idée d’un livre sur ce sujet est très bonne !
Benoit.
Merci benoit, y a plus K 😉
prends soin de toi
Bonsoir Phil !
n’ayant que très récemment découvert votre site 🙁 je viens de lire plusieurs articles et je suis émerveillé par leurs contenus, leurs pédagogies. Je dois certes les relire à tête reposée mais je crois que j’ai assimilé pleins de données que jusque’ alors je n’avais que survolées et surtout restaient floues dans mon esprit et ne se concrétisaient pas sur le terrain. Vos articles sont plein d’exemples plus que probants et superbement explicatifs. Bravo et merci de partager toutes vos connaissances photographiques ! J’ai hâte de lire votre prochain article 🙂
Merci Gérard, je travaille sur le prochain justement et j’espère que cela vous plaira , bonne journée
Le “marketing” du stage qui est fait dans cet article est totalement illustratif du stage lui-même. Je confirme, pour l’avoir suivi récemment, que ces deux jours sont un MUST pour tous ceux qui veulent progresser … et savoir pourquoi ils progressent. Les doutes que j’avais lorsque que je me suis inscrit – dus notamment au fait que l’on n’utilise pas l’appareil – ont été levés dès les premières minutes et la pédagogie employée se révèle très pertinente pour un sujet qui peut être A priori perçu comme aride … Vivement le livre qui reprendra tout ça.
Merci Jean-François, comme on dit ce sont les anciens stagiaires qui en parlent le mieux 🙂
Comme toujours, article très intéressant. Penser sa photo, la construire, lui donner un sens…
Merci
Merci Christine, bon dimanche
Je parle souvent d’une photo, que je n’ai malheureusement pas téléchargée. On y voit un gamin qui boude, le visage quasiment collé contre le bord de l’image.
Autre chose : des photographes pro m’ont expliqué que notre sens de lecture – gauche vers droite – influait sur la lecture des images; regarder vers la droite indique le futur (c’est le cas du cycliste) et vers la gauche indique le passé.
Bonjour Bernard, c’est un peu plus compliqué que ça. Dans le cas du vélo dans l’article, cela signifie aller vers. Situé très à droite cela dirait fuir ou venir de … pour le passé et le futur leur représentation en photographie demande vraiment beaucoup de travail et se fait en fait en fonction du sujet. On utilise plus le codage pour ce faire, inscris toi au stage tu sauras tout 😉
Amicalement
Excellent article sur un thème passionnant !!
merci Valérie
bon dimanche