L’intention en photographie, c’est tout simplement ce que voulez dire, faire partager ou ressentir aux autres. C’est la première étape du processus photographique. C’est aussi le titre du premier chapitre du second volume de la Grammaire de l’image qui va bientôt être disponible (en fin d’année, mais chut, je ne vous ai rien dit). C’est aussi le thème d’un de nos meilleurs stages (Cadrer avec sa tête) pour lequel une offre spécialement réservée aux abonnés du blog est disponible en fin d’article. Si vous réussissez à trouver la solution au Quiz, vous pouvez gagner  25 / 50 ou 100% de réduction sur notre stage « Cadrer avec sa tête ».

L’intention en photographie

L’intention, c’est donc ce que vous voulez faire passer dans votre image. Or, c’est aussi quelque chose qui est parfois négligé par les amateurs parce que cela n’apparait pas nécessaire. Je prends un exemple : un écrivain qui démarre son livre doit avoir quelque chose à dire, un peintre qui démarre son tableau quelque chose à montrer, bref une idée. Mais un photographe peut se contenter de ce qu’il a sous les yeux : un beau paysage, un coucher de soleil, un graffiti dans la rue …

La photographie est le seul art ou discipline artistique ou créative qui peut se passer d’idée créatrice. Mais est-ce que cela fait des photos intéressantes ? Autrement dit, à l’heure où des milliards de photos sont publiées chaque année sur les réseaux sociaux, où l’IA propose des paysages oniriques à la demande, est-ce que presser le bouton est suffisant ? Personnellement, je ne pense pas et l’accumulation d’images sans intention oblige à se poser la question.

Voici l’exemple type d’une image où l’on n’a pas forcément d’intention au départ, mais où le fait d’en trouver une va améliorer la prise de vue. Lorsque j’ai vu cette femme allongée, au pied d’une statue de Bouddha en Birmanie, j’ai fait une image par reflex (par peur qu’elle ne se réveille). Comme j’avais le temps de réfléchir, je me suis demandé ce qui m’intéressait dans cette scène : c’était la similitude entre les attitudes qui m’avait immédiatement séduit. En réfléchissant à la position des jambes et du bras droit à la position de la main gauche à plat par terre, je me suis rendu compte que la femme était exactement dans la position d’un bouddha couché birman (sauf qu’elle dormait). J’ai décidé d’en faire le sujet et j’ai choisi une grande ouverture pour faire un léger flou.

Plus d’intention = plus d’implication.

On fait très souvent des photos en réaction à ce que l’on voit : un beau paysage, un modèle magnifique, une scène de rue étonnante ou exotique. Mais ces images souvent dépourvues d’intentions réelles s’avèrent  la plupart du temps classique, déjà vu et sans grand intérêt. La raison en est simple, elles sont le fruit d’une réaction plutôt que d’une intention. Développer son intention aide à faire des images plus personnelles qui reflètent mieux votre sensibilité et votre personnalité. Plutôt que de prendre un coucher de soleil, demandez-vous ce qui vous attire. Est-ce les couleurs, les nuages, l’ambiance, les gens entrain de regarder le coucher? Essayez simplement de dépasser la simple représentation d’une scène. Cela vous fera faire des images tout de suite plus personnelles, car cela vous obligera à vous impliquer davantage au lieu d’être simple spectateur.

Une démarche artistique ou professionnelle

Le professionnel a un grand avantage sur l’amateur quand on parle d’intention : lorsqu’il répond à une commande, il travaille sur l’intention de quelqu’un d’autre (un éditeur, un rédacteur en chef, un client, etc.) Si un client vous demande de photographier son château, il se fiche de savoir si vous êtes inspiré ou non. Si  pour un magasine, on vous commande un reportage sur le tourisme de mémoire en Normandie, même chose. Votre travail doit refléter le synopsis donné et la ligne éditoriale de la revue. L’appareil photo est l’outil qui va permettre au photographe de traduire en image, l’idée, l’intention, du commanditaire.

Même chose en photo  publicitaire et de communication : on part d’une idée, qu’il va falloir transcrire en image. Enfin, l’artiste lui, poursuit une vision personnelle des choses, il a un propos, des idées à partager, bref une intention créatrice. Là encore, l’appareil est un outil qui lui permet de s’exprimer.

L’amateur parce qu’il n’a pas la pression du travail de commande, du résultat, se contente trop souvent d’une intention un peu molle, que l’on pourrait résumer par la phrase magique : c’est beau. L’appareil sert alors d’enregistreur, plus que d’outil d’écriture. Si le photographe a un bon niveau, il va essayer plusieurs cadrages, soigner sa composition, et même revenir pour avoir une meilleure lumière et cela fera sans doute une belle image, mais pas forcément plus d’intention. Si vous voulez développer celle-ci, l’une des meilleures méthodes est de faire des séries de photos ou des exercices de style, sorties à thèmes, etc., comme proposent beaucoup de clubs.

Apprendre à écrire ses images

Si beaucoup d’amateurs hésitent à se lancer dans une série, un reportage, ou un vrai livre photo (pas un album avec vos 100 plus belles vues du dernier voyage réalisé), c’est aussi parce qu’ils maitrisent peu, ou pas du tout, les codes d’écriture de l’image.

Outre les photographes publicitaires – dont je ne parlerai pas dans cet article – ce sont les photographes de presse, d’actualité et les reporters qui sont le plus à l’aise avec l’écriture d’images. La raison en est simple, ils travaillent sur des sujets souvent peu photogéniques et l’on attend de leurs images qu’elles expliquent une situation, qu’elles apportent de l’information. S’il y a quelque chose que le cerveau adore encore plus qu’une jolie photo c’est une image qui regorge d’information, qui apporte du sens, qui éclaire.

Ci-dessus, la technique de juxtaposition permet de faire passer des messages, de jouer sur les contrastes comme ici. Tout est important, la position des différents protagonistes, l’espace entre eux , etc. Ici, l’homme faisant l’aumône a été placé de façon à ne pas être vu immédiatement (technique du retardement).

Les techniques des photographes de presse

Sans rentrer dans les détails, voici quelques-unes des techniques utilisées en presse comme en pub :

  • la juxtaposition – part du principe de que le cerveau va mettre en relation des éléments proches physiquement dans l’image (Théorie de la Gelstat),
  • l’effet de réel – est une façon de placer le spectateur au cœur de l’action et de donner de la crédibilité à l’image,
  • l’instantané – est également une manière d’insister sur la crédibilité de l’image, sa véracité,
  • la réaction psychologique – nous partageons au sein d’un même groupe culturel la même façon d’exprimer les émotions primaires,
  • le codage – les symboles – intelligemment placés dans l’image, ils donnent du sens
  • la reconnaissance culturelle – certains éléments visuels sont instantanément compris par les membres d’une même culture ou d’une même génération,
  • la projection – on décrit une idée ou une scène sans la représenter directement,
  • le rapport au fond – on utilise le fond, le décor, l’arrière-plan pour créer une relation avec le sujet qui fait sens
  • le procédé direct (représentation) – une valise fait penser à un départ, un thermomètre de la fièvre, etc.

La technique de la projection a été utilisée pour l’image ci-dessus. Elle décrit un élément absent visuellement de l’image : une éclipse. Pour comprendre la photo, il faut avoir déjà vu les petites lunettes que l’on sort à ce moment-là. Ensuite, tout s’éclaire …

Ci-dessous : la réaction psychologique. Nous rions tous de la même façon et le message de cette image sera compris universellement.

Une image, que les moins de 20 ans … ou ceux qui n’ont jamais entendu parler d’Alain Delon – ne pourront pas comprendre. Mais qui parlera aux autres. La reconnaissance culturelle est une technique consistant à intégrer un élément qui fait sens – si et seulement si, on a le référent culturel adéquat. Pour l’info, la marque de cigarettes Alain Delon a été vendue en Asie jusque dans les années 2010.

Ci-dessous à gauche, le rapport au fond – la photo d’un temple érotique de Khajuraho. J’avais réalisé des images de temples classiques pour mon agence photo, mais ce qui m’intéressait surtout c’était les réactions des Indiens et des Indiennes – qui aujourd’hui sont très prudes – à ces sculptures très très larges d’esprit et aux positions parfois franchement osées. J’ai attendu, suivi certains groupes de visiteurs. Quand cette femme a posé ses mains sur ses hanches, je savais que c’était bon.

Conclusion

Il faut travailler et développer votre intention pour faire des images plus personnelles, plus riches de sens et cela passe par une meilleure connaissance de la grammaire de l’image, mais aussi par plus d’implication au moment de prendre la photo. Posez-vous ces questions : qu’est-ce qui me plait, me touche dans cette scène, ce paysage ? Qu’est-ce que je veux faire partager ? Est-ce que mon propos, mon intention est clair pour les autres ? Comment pourrais-je la rendre plus compréhensible ?

Le Quiz

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Philippe Body, votre photographe formateur

Philippe Body, votre photographe formateur

Philippe photographe de voyage professionnel a deux passions : la photographie et le voyage.  Après  … lire plus

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plusieurs séjours en Afrique, il se rend en Asie et c’est l’éblouissement. A la fin des années 80, il réalise ses premiers reportages en Inde, dont un sujet sur l’inaccessible ethnie Muria dans la province reculée du Chattisgarh et le gigantesque projet de barrage Narmada. Plusieurs publications s’ensuivent et ses premiers reportages sont diffusés par l’agence VU. En 1990, il est l’un des premiers photographes à revenir au Vietnam qui sort enfin de son isolement. Cinq ans plus tard, il entre à l’agence Hoa Qui, spécialisée dans la photo de voyage avant de rejoindre en 2007 la prestigieuse agence Hemis.fr. En 2010, il créé le site “www.avecunphotographe.fr” pour proposer ses propres stages et ceux de quelques photographes de grande qualité. Aujourd’hui son travail est diffusé par les agences Hemis.fr – Getty et AGE fotostock ainsi que sur son propre site professionnel www.philippebody.com

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