Photojournaliste, grand voyageur, Werner Bishof fait partie de ces photographes qui travaillent leurs images comme des peintures et ce quel que soit leur sujet.
Werner Bishof photographe voyageur
Né en 1916, en Suisse, il suit des cours de photographie avant d’ouvrir un atelier où il propose dessins et photographies. En 1939, il s’installe à Paris pour faire de la peinture. Ce goût pour la peinture explique en partie, la remarquable rigueur que Werner Bischof développe dans ses compositions et ce même dans ses reportages.
Dès 1944, il commence à faire des reportages avant de voyager en Europe pour réaliser un travail en profondeur sur l’état des pays et de leurs populations à la fin de la guerre. Un travail remarquable qui lui ouvrira les portes de l’agence Magnum qui diffuse toujours ses photos aujourd’hui.
Dans l’image ci-dessous, le photographe choisit de faire la mise au point sur le fond de l’image, faisant de la destruction de la ville, le réel sujet de la photo. L’homme hors du plan de netteté et dans l’ombre devient un témoin anonyme des ravages de la guerre. Une image simple devient une photo symbole. Beaucoup de photographes auraient fait l’inverse, évitant de mettre au centre de l’image un homme flou, mais Werner Bishof sait exactement ce qu’il fait et utilise tous les choix techniques que lui laisse l’appareil. C’est la marque des très grands.
De la Guerre de Corée au Japon
Bischof suit la guerre de Corée puis s’intéresse au Japon. Son travail sera fortement marqué par ce pays où il reste presque 1 année entière. Dans la photo ci-dessous, on retrouve partiellement la vision du jeune photographe de studio qu’il fut à ses débuts. Rigueur de la composition, placement parfait des 2 moines. Les teintes sont d’une grande douceur. Les personnages semblent se déplacer le long d »une muraille plus que dans l’enceinte d’un temple qui reste invisible. Au second plan, d’autres arbres prolongent la présence de la nature qui est le véritable temple de cette image. Une photo dont le photographe Martin Parr a dit: « c’est l’une de ces images qui entrent dans votre esprit et ne le quittent plus »
Werber Bischof photographe d’une grande modernité
Ce qui caractérise Bischof, outre la rigueur de ses composition, c’est le sens du symbole et la capacité à construire des images qui restent imprimées dans l’esprit – dont Brassaï disait que c’est l’apanage des images bien structurées.
Ainsi dans cette photo, pleine d’humour, des pingouins semblant faire du tourisme en ville. Le point de vue à ras du sol, l’utilisation d’une vitesse lente pour séparer les 2 parties de l’image et isoler le sujet, l’utilisation de la ligne de regard, témoignent de la modernité et de la virtuosité du photographe. Pour la petite histoire, le directeur du zoo utilisait cette promenade pour attirer de nouveaux visiteurs dans son parc.
La rigueur au service de la créativité
Bischof sait que la rigueur donne de la puissance au cadrage. Dans cette composition, il utilise les lignes diagonales des rails pour créer un effet de profondeur. Il ajoute un effet d’échelle de cadre dans le cadre, avec les 2 femmes qu’on aperçoit au loin. Il choisit enfin de décaler son cadrage vers la droite pour montrer d’autres femmes qui marchent sur le sentier. Cet ajout est simplement génial et change le sens et la portée de l’image.
L’artiste transcende les genres photographique
En effet, on pourrait penser que les femmes marchent sur les rails pour éviter de se blesser sur les cailloux pointus du ballast. Mais non, puisque les femmes à droite de l’image marchent sur un chemin qui a l’air plat et sans danger. On comprend alors que c’est à une sorte de jeu que se livrent ces femmes. Une manière de tester leur équilibre (en se tenant 2 par 2), de conserver leur jeunesse et leur insouciance, malgré un travail que l’on imagine harassant. Là encore, Werner Bischof transcende le genre du reportage grâce à son immense talent et signe une autre image … impossible à oublier ! N’oubliez pas que cette image est construite à la volée car les femmes se déplacent.
Rigueur, modernité, inventivité et … une touche d’humour, la patte de Werner Bischof
J’ai vu pour la première fois cette image dans une exposition collective à l’aéroport de Phnom Penh au Cambodge. Il n’y avait que des très bonnes photographies, mais par rapport à celle-ci, aucune n’arrivait à exister. Là encore, Bischof montre l’étendue de son talent, d’abord en adoptant un point de vue au ras du sol qui lui permet de détacher son sujet, chose difficile lorsque le sujet est en mouvement. Ensuite par sa réactivité, lorsqu’il appuie au moment où la vache se retourne pour le regarder, créant ainsi une intimité avec le photographe et donc le spectateur …
Vous pouvez découvrir le travail de cet immense photographe dans les livres qui lui sont consacrés comme à la Fnac, ou sur le site de l’agence Magnum
Voilà j’espère que cette petite balade parmi les images d’un très grand monsieur de la photo disparu bien trop tôt vous aura donné envie d’en savoir plus. Partagez cet article sur vos réseaux et bonnes vacances à tous.
Philippe Body
Photographe de voyage professionnel, blogueur, directeur de Avec Un Photographe
Photographe de voyage professionnel, spécialisé sur l’Asie, je parcours le monde depuis l’âge de 22 ans,réalisant reportages et livres et guides de voyage. Mon travail photographique est diffusé par les agences photo Hemis.fr, Gamma-Rapho et Getty Images entre autres ainsi que sur ma photothèque pro : www.phlippebody.com
En 2011, je créé le site www.avecunphotographe.fr puis la société AVEC UN PHOTOGRAPHE pour proposer des stages photo axés sur la composition et la créativité. J’organise aussi des voyages photo en Asie. Le blog avec un photographe est lancé en 2015. Depuis le site s’est ouvert à d’autres photographes pros de talent. … en savoir plus
Bonjour phil Body, je suis entrain de faire une présentation sur Werner Bischof dans le cadre de mon cours de photographie dans mon école. J’aimerais beaucoup savoir en 3 mots quels étaient les « genres photographiques » de monsieur Bischof
Pour l’instant j’ai souvent vu qu’il photographiait surtout les conséquences de la guerre ou des guerres en elles-mêmes mais j’aurais aimé l’avis d’un professionnel (?)
Bonjour Lucie, Oui Werner a travaillé sur les pays en guerre et a été correspondant de guerre pour Paris Match à l’époque de la guerre d’Indochine. Mais en fait comme tous les photographes de l’époque souhaitant voyager, il n’avait pas trop le choix. Il a beaucoup travaillé aussi pour l’ONG Don Suisse dans des pays en guerre mais après le conflit. En réalité, Bischof n’est pas à proprement parler un reporter de guerre. Sa sensibilité le portait vers des sujets moins dramatiques qu’il a pu satisfaire plus tard. Vous pourrez envoyer un lien vers votre article si vous voulez, je le mettrai dans l’article.
Bonne journée et bon courage pour votre présentation
Super merci beaucoup ☺️
et oui une fois que j’aurai fini mon travail ( en fait c’est un powerpoint) je vous l’enverrai volontier )
Merci Lucie 😉
Merci pour cette ouverture sur ce photographe et pour cette sélection de photos superbes. As tu un livre à recommander en particulier ? Merci d’avance.
Bonjour Anonyme 😉 – beaucoup de livres ne se trouvent plus aujourd’hui qu’en occasion hélas. Le Photo-poche est bien (Fnac) mais le 55 – aux éditions Phaidon – en occasion est l’un des meilleurs au niveau qualité impression et choix des images
merci Philippe pour cette découverte et la qualité de l’analyse. en tant qu’amateur cela ouvre les yeux et nous montre à quel point on peut être créatif si l’on sort des sentiers battus.
Bonjour Jean-Jacques, oui Bischof était un précurseur qui a montré à quel point chacun était libre de suivre son propre chemin
Merci Philippe
Une très belle invitation pour découvrir cet photographe !
Jomans
Merci Joël, on en reparle autour d’un verre très bientôt 😉
Belle analyse de l’image: un photographe amateur, comme moi, a besoin de ce genre d’introspection, faute de connaître le langage photographique. Seul moyen d’apprendre et d’évoluer. Simplement merci.
Bonjour Jean-Marc, merci pour ton commentaire, très sympa. Regarder le travail des grands photographes est effectivement un moyen sûr et bon marché aussi d’apprendre le langage photographique c’est vrai. Regardez aussi le stage Grammaire de l’image > https://avecunphotographe.fr/stages-et-cours-photo/grammaire-image/ sur le site qui est dédié à cet apprentissage