plans en photographie

© Shoji Ueda

Et oui, les plans en photographie sont l’un des outils d’écriture les plus puissants à la disposition des créateurs d’images. J’ai déjà abordé ce sujet dans un précédent article et je vais vous parler cette fois de leur utilisation sur le terrain. J’ai aussi créé un stage qui aborde ces techniques en étudiant comment les grands photographes utilisent les plans, mais il était un peu compliqué et cette année je l’ai entièrement remanié et simplifié. En fin d’article, il y aura d’ailleurs une super promo sur cette formation réservée aux seuls abonnés du blog, c’est à dire vous  🙂

Utiliser les plans en photographie

Beaucoup de photographes, lorsqu’on leur parle de plans, pensent au premier et à l’arrière-plan. Cette règle, dite des « Trois plans », nous vient du monde de la peinture et était au XVIIIe siècle presque aussi populaire que la règle des tiers un peu plus tard. Cette technique, chère entre autres à Watteau et Turner est toujours d’actualité, mais a été depuis considérablement enrichie par les photographes. Car à la différence des peintres, nos objectifs créent naturellement plusieurs plans de netteté – à l’exception des ultra-grands-angulaires qui produisent des images où tout est net.

Petite définition des plans en photographie

Pour faire simple, on peut les décrire comme une séparation nette de l’image. Il y a le plan où se trouve votre sujet, celui qui se trouve entre vous et le sujet (premier plan) et celui qui se trouve derrière (arrière-plan). L’école de peinture dite « des trois plans » conseillait de placer le sujet sur le second avec les teintes les plus lumineuses ; les tons noirs et blancs sur le premier, les teintes froides sur l’arrière-plan.

A quoi servent les plans en photographie

La fonction la plus évidente des plans en photographie est d’apporter de la profondeur à l’image, mais les grands photographes les utilisent pour un tas d’autres raisons :

  • délimiter, diviser, ordonner et hiérarchiser les différentes parties de l’image,
  • guider le regard vers le sujet,
  • apporter un supplément d’information,
  • créer une ambiance.

L’intérêt des plans en photographie c’est qu’ils sont toujours disponibles. Il suffit de se baisser, de se déplacer, de changer de focale parfois, et le tour est joué. Regardons maintenant comment les grands photographes utilisent les plans pour construire leurs images.

Contexte, profondeur et ambiguïté

Dans cette fabuleuse image de Sébastião Salgado, un porteur d’or de la mine de Serra Pelada au Brésil – extraite de son livre « La Main de l’homme »  le photographe déploie l’étendue de son talent. Il parvient à nous montrer une scène en grand (arrière plan) et en détail (sujet). Sébastião Salgado utilise très souvent cette construction en 2 plans seulement qui offre beaucoup de lisibilité et d’impact visuel.

plans en photographie

© Sebastião Salgado

La construction d’une image

Analysons la construction de l’image en détail: le sujet – le porteur d’or – qui se repose nous offre beaucoup d’informations par sa pose, sa puissance physique, son tee-shirt trempé de sueur et recouvert d’une couche de terre qui l’imbibe entièrement. L’arrière plan, lui nous donne une échelle et nous montre l’ampleur de la mine, du travail.  Nous voyons que d’autres hommes comme lui sont en train d’escalader des échelles de fortune dans cette boue qui recouvre tout comme une malédiction. Les lignes verticales du fond contrastent avec les horizontales et les courbes du tee-shirt. Le premier plan fonctionne comme un coup de loupe sur la partie du fond de l’image. La composition en 2 plans (proche / lointain) permet de voir les détails et l’immensité du site. Impossible autrement. Salgado coupe tout autre élément du décor ce qui renforce la notion de quantité et la puissance du cadrage. L’arrière-plan est juste un peu plus flou que le sujet ce qui préserve le sens de lecture voulu par le photographe, mais permet de lire parfaitement la scène et ce d’autant plus que l’image sera en grand format. Enfin, la photo vient idéalement compléter une autre de la série.

Construction d’une série

Dans cette seconde image de la série, très spectaculaire, on voit l’un de ces porteurs d’or au travail. Ici on a tous les détails, car le sujet occupe une place importante de l’image. Pris de face, on peut voir son expression et son immense fatigue. La main coupée sur la gauche suggère très habilement l’idée de file ininterrompue qui est montrée dans la première image. Là encore une construction en 2 plans avec un léger flou de profondeur de champ qui vise à créer une hiérarchie entre eux. Salgado ajoute aussi un plan « hors champ » – celui par l’homme dont on voit la main à gauche. Cette technique très utilisée au cinéma consiste à montrer quelque chose hors du cadre. Elle repose sur le fait que le cerveau – comme l’a démontré la théorie de la Gestalt recompose automatiquement la forme d’un objet connu.

plan et hors champ photographique

© Sebastião Salgado

Confusion des plans

Le photographe Ernst Haas, dont je vous ai déjà parlé, crée ici une image avec 4 plans principaux, tous nets à l’exception du premier plan noir qui ne sert qu’à border l’image et ajouter de la profondeur. Les lignes de regard ajoutent elles aussi beaucoup de profondeur à la photo en nous renvoyant sans cesse de l’avant vers l’arrière. Ce savant mélange des plans crée une étrange impression de confusion des tailles et des échelles. Chaque plan est séparé par un contraste de tonalité (femme en blanc) ou de couleur (statue en tons chauds sur fond de ciel froid). La technique de profondeur par répétition d’une même forme (femme et statue) ajoute encore de l’ambiguïté dans ce cadrage. Brillant.

les plans en photographie - confusion des plans

© Ernst Haas

Confusion des plans et plan informatif

Dans cette seconde image, Ernst Haas nous montre encore l’étendue de sa maitrise des plans. L’image est divisée en 2 par une ligne horizontale (ce qui est plus fréquent avec une verticale). La partie supérieure de l’image dévoile les toits de la ville de Reading en Angleterre, une succession de pignons, c’est très dynamique et  cela donne l’impression que les gens vivent littéralement les uns sur les autres. L’effet est exagéré par l’utilisation d’un téléobjectif. Mais si cette partie est très graphique, elle ne nous donne pas beaucoup de détails sur les maisons elles-mêmes. C’est le rôle de la partie basse de l’image qui présente l’une de ces maisons justement.

Le génie d’ Ernst Haas est d’avoir réussi à mettre tous les plans nets en jouant sur la distance et l’ouverture – ce qui est à priori incompatible avec l’emploi d’un téléobjectif. L’image est toute en contraste (formes horizontales en bas / obliques en haut – maison unique en bas / multiples en haut, etc.). C’est d’autant plus extraordinaire d’arriver à un tel dynamisme dans cette composition que la lumière est de celles qui décourageraient bon nombre de photographes et le sujet lui-même plutôt statique.

image de HAAS - confusion des plans

© Ernst Haas

Allez une petite dernière

La maitrise des plans en photographie

Dans cette photo de Mary Ellen Mark dont je vous ai aussi déjà parlé, la maitrise des plans est absolument hallucinante. La photographe américaine se sert du miroir sur la gauche pour ajouter un second plan qui apporte un effet de profondeur, mais surtout – par effet de juxtaposition nous oblige à revoir et reconsidérer l’ensemble de la photo. Comme on le voit dans la grammaire de l’image, il y a 2 phases de lecture d’une image : la lecture globale et la lecture analytique. Durant la rapide phase de lecture globale, nous regardons le personnage de droite, plus grand, plus net, plus contrasté. Ce n’est qu’après que nous nous intéressons au dessin peint sur le mur au-dessus de lui et au personnage à gauche. Du coup, nous voyons de manière plus détaillée la partie droite et établissons des connexions. L’homme est un ancien culturiste, ce qui se voit à son physique, son maillot, etc. mais cela aurait été impossible à déduire sans le second plan du reflet dans le miroir. On appelle cela une juxtaposition et c’est l’une des utilisations les plus élaborées du travail sur les plans.

plan de division juxtaposition

© Mary Ellen Mark

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Comme vous le voyez, on apprend énormément en analysant les images des grands photographes. C’est précisément le thème de mon stage « Développer son regard » dont le but est d’enrichir vos capacités en apprenant à regarder et à construire une image en travaillant sur les plans en photographie – durant 2 jours. Pendant ce cours, nous analysons le travail de 12 grands photographes de toutes générations. Ensuite, le travail se passe sur le terrain. Il ne s’agit bien sûr nullement de vouloir imiter, mais d’apprendre des grands maitres.

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Soit 200€ le stage de 2 jours au lieu de 285€. Cette offre est valable pour la session du weekend du 25/26 juin prochain. Au moment de passer commande, entrez le code promo REG25-06 et la réduction sera immédiate.

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Philippe photographe de voyage professionnel a deux passions : la photographie et le voyage.  Après  … lire plus

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plusieurs séjours en Afrique, il se rend en Asie et c’est l’éblouissement. A la fin des années 80, il réalise ses premiers reportages en Inde, dont un sujet sur l’inaccessible ethnie Muria dans la province reculée du Chattisgarh et le gigantesque projet de barrage Narmada. Plusieurs publications s’ensuivent et ses premiers reportages sont diffusés par l’agence VU. En 1990, il est l’un des premiers photographes à revenir au Vietnam qui sort enfin de son isolement. Cinq ans plus tard, il entre à l’agence Hoa Qui, spécialisée dans la photo de voyage avant de rejoindre en 2007 la prestigieuse agence Hemis.fr. En 2010, il créé le site “www.avecunphotographe.fr” pour proposer ses propres stages et ceux de quelques photographes de grande qualité. Aujourd’hui son travail est diffusé par les agences Hemis.fr – Getty et AGE fotostock ainsi que sur son propre site professionnel www.philippebody.com

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