La photo de paysages marins – au sens large – est une vraie source d’inspiration pour les chasseurs d’images. On y trouve beaucoup de matière photographique : lumières changeantes, mouvement des vagues, variété des paysages, etc. En combinant et en maitrisant ces différents facteurs on peut réaliser des images particulièrement spectaculaires. Mais c’est un genre qui demande un peu de technique et pas mal de méthode. On voit ça ensemble tout de suite. Par Philippe Body.
La photo de paysages marins – un genre majeur de photo de nature
La mer, les vagues, les tempêtes, les côtes rocheuses ou les douces plages de sable, nous offrent de magnifiques sujets photo. Pour en profiter pleinement, il est intéressant d’apprendre à préparer ses prises de vues, repérer les lieux, programmer en fonction de la météo, etc. Il faut aussi apprendre à protéger son matériel, car sable, sel, embruns et vents violents ne sont pas vraiment les amis des objectifs et de nos capteurs et peuvent gâcher une session de prise de vues. Enfin et surtout, il est nécessaire d’apprendre à composer ce type de photo de paysage. Nous allons voir ensemble comment aborder ses différents sujets.
Préparation de la prise de vue
La photo de paysage marin c’est 60% de repérage et de préparation, 15% de prise de vues et 15% d’éditing et de post-traitement. Autrement dit, mieux vaut prendre son temps sur cette première étape. Autrefois, le repérage se faisait avec l’aide de cartes IGN, Topo-guides, horaires des marées, les plus précis possible combinés avec boussoles. Et ça marche toujours bien, si l’on n’a pas oublié comment lire une carte entre-temps. Aujourd’hui, les applications de nos smartphones se révèlent plus pratiques, plus précises et bien plus légères. Les boussoles 3D permettent de simuler la course du soleil afin de prévoir le jour J. On peut trouver les horaires et coefficients de marées, la direction du soleil à une époque donnée, bref tout peut se prévoir.

Dans cette image, les troncs des palmiers forment comme des barreaux divisant l’image et empêchant partiellement de voir la scène derrière. La blancheur de l’écume soulignée par une pose longue attire l’œil sur l’océan et les rochers. Sri Lanka 1994 – Film argentique 36 ISO – Pose longue 30 secondes.
Personnellement, j’utilise le site « The photographer ephemeris » pour préparer de chez moi les prises de vues. Je ne vais pas citer les très nombreuses applications dédiées à la photo qui permettent de planifier l’endroit du coucher ou du lever de soleil, il y en a véritablement beaucoup, des gratuites et des payantes. Votre smartphone vous donnera aussi les horaires et coefficients de marée ainsi que les bulletins météo. Appli pour marées en anglais (Android). Si vous n’êtes pas fan du smartphone, une boussole classique et des infos de météo vous donneront de bons résultats.
À la fin, un repérage terrain est évidemment indispensable. Cela permet de voir les ombres portées, les zones à fort courant, là où les vagues sont les plus fortes, etc. Pour mes stages photo et les voyages que j’accompagne par exemple, le repérage est fait en conditions réelles (même saison, même heure).
Composition photo de paysages marins
C’est le plus difficile, car si les paysages marins sont souvent grandioses, arriver à rendre cela sur une image de quelques dizaines de centimètres n’est pas un exercice facile. Si la lumière et la météo vous sont imposées, ce n’est pas le cas de la composition et du cadrage dont vous seuls pouvez décider.
La lumière
Au bord de mer, les conditions météo changent vite et la lumière aussi. Les heures de belles lumières, juste avant le lever et après le coucher de soleil, sont intéressantes parce qu’elles donnent des ombres allongées qui créent souvent de forts contrastes puissants et dramatiques ainsi qu’une lumière chaude. Lorsque seule une partie du décor est éclairée c’est aussi l’occasion de faire de très belles images avec un contraste tons chauds, tons froids très efficace. Un plafond nuageux épais donnera une lumière diffuse, très enveloppante, qui permettra de jouer sur les couleurs et autorisera l’inclusion du ciel dans le cadrage sans avoir recours aux filtres dégradés gris.

Une lumière rasante comme ici, souligne la matière de la roche et donne de l’épaisseur et du relief aux vagues. Un premier plan partiellement à l’ombre ajoute de la profondeur en créant un contraste de tonalités (clair / sombre). Portugal 2022
Même la lumière plombée de midi, lorsque le soleil est haut dans le ciel, est parfois intéressante car elle met l’accent sur les reflets. Il faut alors imaginer l’effet possible une fois sous-exposée.

A midi, une piste de composition est de travailler avec les reflets sur l’eau et d’opposer masses sombres et reflets brillants. Espagne 1996 – Film argentique 36 ISO – Polarisant
Le contre-jour : une lumière de face peut créer de superbes reflets à la surface. Elle est aussi très intéressante pour les photos de vagues dont elle sublime la transparence et la matière. Lorsqu’il y a beaucoup de vent, c’est un moment privilégié.

La lumière de contre-jour souligne les formes des gouttes d’eau saisies à très haute vitesse et la transparence de l’eau – obtenue grâce à un filtre polarisant. Vietnam 2015 – 1/2000° de seconde – Polarisant
Les plans
Les plans permettent de donner de la profondeur à votre image. Pour représenter un site impressionnant, c’est souvent un atout indispensable. Il faut trouver le bon premier plan qui amène de la profondeur sans tuer le sujet. Attention aux premiers plans qui pourraient faire paraitre plus petits votre sujet. Problème récurrent dans la photo de paysage en général. Un premier plan immersif permet, lui, de faire partager vos sensations – et votre point de vue – au spectateur.
Le mouvement
C’est un vrai plus en photo de paysages marins. Les effets de mouvement permettent de sortir des photos inédites, étonnantes et surprenantes, car à la différence de notre appareil, nous ne voyons qu’à une vitesse fixe et immuable. Si vous êtes perdus, je vous conseille de lire ou relire la Grammaire de l’image …

Comparez l’effet du temps de pose sur les 2 images. C’est avant tout une histoire de gout bien sûr, mais celle de droite donne plus l’impression de mouvement.
Vitesses lentes
Des vitesses lentes créeront des effets oniriques, allant de la mer de lait à un mouvement amplifié très poétique. On les obtient en utilisant un filtre gris neutre pour réduire la quantité de lumière parvenant au capteur et pouvoir ainsi utiliser une vitesse très réduite allant de quelques secondes à plusieurs minutes. Le mieux est souvent l’ennemi du bien en ce domaine et les poses de 30 secondes ou plus ont tendance à donner toujours les mêmes effets, genre « mer de nuages ». Un effet qui est un peu passé de mode. En revanche les vitesses intermédiaires (du 1/15° de seconde à quelques secondes seulement produisent des effets toujours différents et renouvelés. Pourquoi une telle fourchette ? Et bien parce que cela dépend de la focale bien sûr …

Les vitesses lentes sont très intéressantes aussi pour prendre les coulées d’eau qui suivent le passage d’une vague. Ce qui est remarquable en photo de détail aussi. Vietnam 2015 – 1/2 seconde – filtre gris neutre ND 8.
Personnellement, j’utilise souvent un chronomètre pour mesurer le temps qu’une vague met à s’écraser sur le rocher, par exemple, pour me donner une base. Je procède ensuite à différents essais de vitesse pour affiner.
Vitesses rapides
Nettement moins exploitées que les précédentes, les très hautes vitesses d’obturation (de 1/1000 à 1/8000° de seconde) permettent d’obtenir des résultats surprenants. C’est particulièrement vrai pour les vagues en gros plan, les envolées d’embrun, etc. Attention, il est conseillé d’enlever le stabilisateur lorsque l’on travaille à très haute vitesse et pour les possesseurs d’hybrides, passez en mode obturation mécanique pour éviter l’effet « Rolling shutter ».

Une vitesse rapide donne beaucoup de matière aux vagues et un côté bouillonnant. Portugal 2022 – 1/2000° de seconde
Gérer l’exposition en photo de paysages marins
L’exposition pour les paysages marins ne pose pas de problème particulier. Comme on a le temps, il suffit de faire une vue test, de regarder son histogramme et de corriger si besoin en utilisant la fonction de correction d’exposition. Mais lorsque vous travaillez à contre-jour (coucher et lever de soleil, vagues, etc.), une bonne exposition « à droite » risque de ne pas suffire. Il y a beaucoup de chances pour que la plage dynamique de la scène soit supérieure aux possibilités de votre appareil et de son capteur. La plage dynamique c’est l’ensemble des tonalités (du noir au blanc) qu’un capteur est capable d’enregistrer. Celle de l’œil humain est bien supérieure à celle des meilleurs boitiers et l’on ne perçoit donc pas le problème. On peut le mesurer en utilisant la mesure spot, mais c’est une technique un peu oubliée aujourd’hui et il est plus simple de regarder l’histogramme.

Ici, comme il n’y avait pas de mouvement de vagues, j’ai choisi de faire un HDR – réalisé à partir de 7 vues – pour gérer l’exposition. France – Oléron 2021.
Exposer à droite – HDR et GND
Pour éviter de surexposer la photo on conseille donc d’exposer à droite c’est-à-dire de déplacer les courbes de l’histogramme à droite au maximum, mais sans que celui-ci ne sorte du cadre. Par contre, dans le cas d’une vue à contre-jour, cela signifie souvent une vue très sombre dont les tonalités noires sont sacrifiées. Plusieurs solutions existent dont le célèbre HDR (High Dynamic Range). Cette technique consiste à réaliser un bracketting d’exposition sur 3 à 7 vues selon les cas, puis à fusionner les images dans un programme photo spécialisé. Aujourd’hui d’ailleurs de nombreux logiciels comme Lightroom par exemple proposent cette fonction. Le problème est que dans le cas de la photo de paysages marins on a souvent du mouvement (vagues, etc.) et cela affecte la fusion des images en créant des artefacts peu esthétiques. Le recours à des filtres dégradés gris est alors une autre option. Je n’ai pas encore écrit d’article sur ce sujet, mais ça ne saurait tarder. Pour faire court, les filtres dégradés gris (GND) permettent de compenser l’écart de luminosité entre le haut et le bas de l’image – ou le milieu et le bas – dans le cas des filtres reverse. On ajuste en fonction des cadrages grâce à un porte-filtre qui permet de les faire coulisser. Selon la puissance du filtre, cela permet de rattraper 1 à 3 diaphs d’écart entre le ciel et les rochers par exemple. Voire plus si on les combine.
Quel matériel pour la photo de paysages marins ?
Les filtres
Outre les filtres dégradés gris dont a parlé juste avant, les filtres gris neutre qui permettent de limiter la quantité de lumière arrivant au capteur – et donc de poser plus longtemps – vous permettront de faire des effets de pose longue. J’ai fait une série d’articles sur le sujet, pour savoir lequel choisir et comment l’utiliser. Un accessoire très utile qui ne quitte pas mon sac. Personnellement, j’ai un modèle en verre que je garde toujours et une série de filtres carrés avec porte-filtre que j’emmène quand je fais du paysage. Le filtre polarisant dont on a déjà parlé permet de contrôler et/ou supprimer en partie les reflets à la surface de l’eau. C’est un filtre indispensable en photo de paysages marins et je conseille personnellement d’en avoir un par objectif.
Pour le reste, il n’y a pas de matériel spécifique pour la photo de paysages marins – sauf si vous décidez d’en faire votre passion exclusive. N’importe quel boitier reflex, hybride ou même un bridge fera l’affaire. S’il est un peu, beaucoup, voire complètement tropicalisé, ce sera évidemment un plus, car la mer est un environnement agressif pour nos appareils, à cause du sel et de l’humidité bien sûr. Si votre appareil n’est pas du tout tropicalisé, regardez cet article sur la protection du matériel.
Côté objectifs, même chose, on peut faire du paysage marin avec des grands angles comme avec des téléobjectifs. Pour des raisons pratiques de changement d’objectifs, il est plus facile d’utiliser des zooms. Lorsqu’il y a du vent, il est en effet compliqué et dangereux de changer d’objectif. Il y a un risque d’entrée de particule dans le boitier – voire avec les hybrides: directement sur le capteur. Les zooms permettent de changer moins souvent d’objectif. Personnellement, j’utilise plusieurs boitiers sur lesquels je monte des zooms pour éviter tout changement.
Accessoires et filtres
Côté accessoires voici ce qu’il vous faudra :
- une boussole (mécanique ou sous forme d’application sur votre smartphone)
- un horaire des marées ou une appli
- un sac étanche pour votre matériel
- un trépied pour les poses longues
- un ou plusieurs filtres gris neutre pour les poses longues
- des filtres dégradés gris pour équilibrer les contrastes
- un filtre polarisant pour gérer les reflets
- plusieurs chiffons gardés dans un sac facilement accessible pour nettoyer les filtres au fur et à mesure
- une petite bouteille d’eau douce
La protection du matériel
Commençons par la protection de base. Il vous faut absolument un filtre UV ou de protection sur chaque objectif. Regardez notre article sur le sujet si besoin. Les embruns légers sont souvent invisibles à l’œil, mais déposent une couche de matière grasse sur le verre. Celle-ci contient des cristaux de sel, particulièrement abrasifs. Si vous les nettoyez avec un chiffon ou un pinceau, vous risquez d’abîmer assez vite le filtre ou la lentille. On utilise donc un peu d’eau douce (celle du robinet fait très bien l’affaire) pour rincer le filtre avant de le nettoyer. Inutile de dire qu’il est plus compliqué et nettement moins recommandé de passer votre objectif sous le robinet … Un petit vaporisateur d’eau fait aussi très bien l’affaire. Il faut des chiffons non pelucheux et très doux en quantité.
Les pare-soleils sont indispensables eux aussi et assurent une protection contre vent, embruns, sable et pluie.
Protection avancée
Dans le cas de forts coups de vent – qui donnent toujours des photos spectaculaires – la protection doit être adaptée. Il faut oublier totalement l’option: changer d’objectif et travailler alors avec un ou des couples « appareil + zoom ». On peut utiliser du gaffer ou du ruban isolant adhésif pour protéger certaines parties du boitier. Si l’on travaille au téléobjectif, une cape de protection contre la pluie peut être une bonne idée. Choisir un modèle pouvant être resserré grâce à des élastiques ou des velcros pour éviter que le vent ne se prenne dedans. Au pire, avec des élastiques, une poche plastique et du ruban adhésif, vous pouvez vous bricoler une protection largement suffisante, légère et rapide à mettre en place. Regardez cet article pour en savoir plus.
Sur le terrain, gardez au maximum votre appareil + objectif contre vous à l’abri de votre imperméable. Sortez-le rapidement pour faire la photo et protégez-le de nouveau.
Nettoyage du matériel
Après une série photo de paysages marins, il faut toujours procéder au nettoyage poussé de son matériel. Utilisez un chiffon doux et absorbant imbibé d’eau douce, pour nettoyer le corps de l’appareil photo et des objectifs. Des Cotons-Tiges permettent d’aller dans les moindres parties. Faites au moins 2 passages, puis séchez avec un autre chiffon sec celui-là. Rincez à l’eau douce les chiffons qui ont absorbé le sel. Vous l’aurez compris il faut un stock important de chiffons …
S’il y a des traces de sable, utilisez une vieille brosse à dents ou une bombe à air. Dans ce dernier cas, attention à ne pas projeter vers l’intérieur du matériel. C’est particulièrement vrai avec les zooms entrée ou milieu de gamme dont le corps de l’objectif « sort » lorsque l’on zoome. Avec ceux-là, évitez la bombe à air et préférez la brosse à dents ou un chiffon imbibé légèrement d’eau.
Les filtres doivent être passés sous le robinet d’eau douce et mis à sécher ou essuyés avec un chiffon absorbant.
Le trépied photo doit être également rincé s’il a été en contact avec l’eau salée, dans la douche par exemple c’est parfait. Lorsque vous l’utilisez, pensez à ne pas replier complètement le trépied, car souvent les jambes du bas sont sales et contiennent de la terre ou du sable.
Conclusion
La photo de paysage marin est l’occasion de faire de très belles images. Si cet article vous a plu merci de le partager sur vos réseaux. Si vous souhaitez travailler ces matières, regardez le programme de notre stage photo en en Charente durant lequekl nous abordons ces notions. Abonnez-vous pour ne pas manquer les prochains articles, à bientôt.

Philippe Body, votre photographe formateur
Philippe photographe de voyage professionnel a deux passions : la photographie et le voyage. Après … lire plus
Comme toujours très intéressant….Merci Philippe….Hélène ROUSSEAU
Merci Hélène d’avoir pris le temps de commenter, bon weekend et bonnes photos
Bonjour Philippe, on peut dire que ton article tombe à pic, pour le stage Charente maritime, fin octobre. Extrêmement intéressant, car petit à petit j’essaie de me perfectionner en pose longue et j’analyse mes échecs. Mes dernières photos, ne sont pas tout à fait satisfaisantes, loin s’en faut mais j’ai compris pourquoi. J’ai bien trop fermé mon diaphragme (jusqu’à 22!!), ISO 100 et utilisé un filtre gris 400, du coup , je n’ai eu qu’une mer cotonneuse alors qu’il y avait du mouvement (fin de marée haute), temps de pose 20s.
Dans ton article, tu as publié une photo qui correspond à ce à quoi je voudrai aboutir : une mer qui garde son mouvement prise avec un filtre ND 4, alors qu’elle est cotonneuse avec un 400. Je m’équipe petit à petit j’ai déjà un filtre 400 et un 1000 (jamais utilisé) et un filtre dégradé gris (pas encore utilisé non plus). Il me faudrait des gris plus clair comme le ND 8. Penses tu q’un 8 et un 32 serait un bon investissement. Je sais qu’il faut essayer mais si je pars sur la mauvaise piste, je vais accumuler des trucs qui ne me serviront à rien. Je voudrai tant profiter au maximum du stage de fin octobre. Je ne demande pas une recette miracle mais ton avis toujours judicieux. C’est aussi en regardant le travail des autres qu’on apprend, merci pour tes idées. Amicalement. Marie-Claude
Coucou Marie-Claude, oui le 400 et le 1000 sont parfois trop fort. perso, j’ai un ND8 et je l’utilise en plus d’un polarisant donc gain de 4 à 5 diaphs. J’ai écrit un article sur le sujet si ça t’intéresse : Quel filtre gris acheter
Le ND 8 a l’avantage de pouvoir être utilisé pour faire des filés et autres choses que de la pose longue. Donc mieux que ND32 à mon avis. Amitiés
Article très complet comportant de très belles photos. Grande source d’informations. Merci.
merci !
Comme toujours, votre blog est clair, précis, informatif et donne envie. Merci encore.
merci d’avoir pris le temps de commenter !