Le mode de mesure spot est le plus précis et le plus pointu des 3 ou 4 modes de mesure existants, mais c’est aussi le plus piégeux et le plus compliqué à utiliser. Est-il encore utile aujourd’hui et comment et quand faut-il le choisir ?

La mesure spotmodes de mesure spot

Comme nous l’avons vu dans un article précédent, la plupart des appareils comportent 3 modes de mesure de l’exposition (4 chez Canon) dont la mesure spot qui nous intéresse aujourd’hui. Le choix du mode de mesure se fait via le Menu de votre appareil ou sur certains modèles de boitiers – généralement haut de gamme – directement par un bouton physique sur l’appareil. De tous les modes proposés, la mesure spot est le plus difficile à maitriser et le plus piégeux. En clair, utilisé mal à propos, il peut vous donner des résultats catastrophiques. Avec un boitier numérique, il n’est plus nécessaire de comprendre comment l’appareil mesure la lumière disponible. Dans 90% des cas, la mesure effectuée par l’appareil en mode Multizone ou Matricielle (évaluative chez Canon) est suffisamment juste et la tolérance du fichier RAW permet de rattraper de petites erreurs. Avec les hybrides, l’affichage de l’histogramme à la prise de vue a encore simplifié le contrôle de l’exposition et il faut désormais être vraiment distrait pour la rater complètement.

Dans quels cas choisir la mesure spot

Dans les articles que j’ai consulté avant de rédiger le mien, on cite presque toujours les exemples de portraits à contre-jour, photos de concerts, monuments éclairés de nuit et bien sûr la lune. Ce qui montre que ces articles ont été écrits par des gens dont la photo n’est certainement pas le métier principal. Tous ces cas de figure ont en commun un très grand contraste entre fond et sujet. Donc l’idée de faire la mesure d’exposition sur le sujet semble aller de soi. Mais ce n’est pas aussi simple. Parmi les 4 exemples cités,  seules les photos de concert et de portraits en contre-jours peuvent bénéficier d’une mesure spot. Mais c’est totalement inutile pour les monuments de nuit par exemple. Commençons par voir comment ça marche.

Principe et fonctionnement de la mesure spot

Le principe est très simple : votre boitier effectue la mesure de l’exposition sur le rond central de votre viseur soit entre 1,5 et 3% du viseur.  On peut de ce fait, faire la mesure sur une zone précise de l’image (visage, zone de couleur ou de lumière, etc.). Ensuite, il faut mémoriser ce réglage et éventuellement recadrer.

mesure spot

Comme on l’a vu dans l’article sur les modes d’exposition et dans celui sur la correction de l’exposition, la cellule de votre appareil (de tous les appareils photos quelle que soit la marque est calée sur un gris neutre ayant un coefficient de réflexion (ou Albédo) de 18%. Il en va bien sûr de même pour la mesure spot. La mesure effectuée dans ce mode ne sera pertinente que si vous avez su trouver une zone ayant un coefficient de réflexion proche des 18% dans votre image. Et c’est là que les problèmes commencent.

L’albédo – source de tous nos maux

Prenons l’exemple d’une photo de mariage prise à à contrejour pour donner un petit côté romantique à la scène. Vous faites la mesure sur la mariée habillée tout en blanc. Sauf que le blanc réfléchit 80 à 90% de la lumière. Idem pour le costume sombre du marié qui ne réfléchit lui que 5 à 8% de la lumière. Dans les 2 cas on est loin des 18% de réflexion nécessaires pour avoir une bonne mesure. Idem en concert, si vous faites la mesure sur le chanteur habillé de bleu foncé ou de jaune très clair, la mesure sera mauvaise parce que la zone choisie ne réfléchit pas 18% de la lumière. Et comme illustré ci-dessous, la différence en terme d’exposition est énorme.

corriger son exposition en photo

Une manipulation complexe

On voit bien la difficulté et les écueils de la mesure spot. Souvent cela s’avère bien plus long qu’une mesure classique en mode multi-zone avec vérification de l’histogramme et éventuellement correction de l’exposition. Beaucoup d’amateurs pensent qu’il suffit de faire la mesure spot sur la partie qui les intéresse (visage, monument éclairé, etc.), mais cela n’a rien à voir. Sur un visage cela marchera si la personne a la peau blanche de préférence légèrement halée. Mais avec une peau foncée ou noire on s’éloigne des 18% de réflexion et votre mesure sera faussée et la photo surexposée. Pas très commode et pas universel comme méthode.

Les zones à 18 %

Voici pour vous aider une liste de quelques matériaux communs ayant un coefficient de réflexion proche de 18% :

  • le dos de votre main (peau blanche non hâlée)
  • la paume de votre main (peau hâlée)
  • le ciel bleu un peu au dessus de l’horizon (lorsque vous avez le soleil dans le dos)
  • bâtiments en béton

  • l’herbe verte
  • le foin, le blé, le jaune pâle en général
  • la brique claire
    [/one_half]

Mémorisation de la mesure

Une fois trouvée la zone correspondant à une réflexion de 18%, il faut donc faire la mesure dessus et mémoriser celle-ci en appuyant sur le bouton AEL ou AE-L ou la touche étoile (*) chez Canon. Automatic exposure lock = verrouillage de l’exposition automatique. Vous pouvez bien sûr attribuer cette fonction à une autre touche personnalisable qui vous semble mieux placée ou plus facile d’accès. C’est même indispensable sur les derniers hybrides Nikon où elle a disparu. Sur l’image ci-dessous, vous pouvez voir que la touche se situe toujours à un endroit très accessible.

mémorisation de l'exposition

Il faut rester appuyer sur la touche de verrouillage de l’expo, recadrer et déclencher. C’est un peu long et c’est à répéter à chaque fois si vous êtes en mode auto. Pour cette raison, bon nombre d’habitués de la photo de spectacle travaillent en mode d’exposition manuelle. Il faut alors faire la mesure spot, régler manuellement vitesse et ou ouverture et vous pouvez faire autant de vues que vous le voulez, tant que la lumière ne change pas. Cette commande est souvent personnalisable via le menu de votre boitier. Parmi les options à retenir : celle qui permet d’appuyer une seule fois pour activer / désactiver la fonction, plutôt que de garder le doigt appuyé dessus. Par contre ne couplez pas la mémorisation de l’exposition avec celle du point AF. Ce sont deux notions qui n’ont rien à voir.

Une solution adoptée par beaucoup de professionnels est de passer en ISO auto et mode manuel ce qui donne plus de souplesse. Je décris ce mode de travail dans cet article.

Coupler point AF et mesure spot

Certaines marques comme Nikon  couplent par défaut collimateur de mise au point et mesure spot. Ce qui est idiot, pour les raisons expliquées plus haut. Il faut faire une mesure spot à l’endroit qui vous parait offrir une réflexion proche de 18%, mémoriser cette mesure puis déclencher. Dans la pratique, rien ne sert donc de coupler point AF et collimateur de la mémorisation de l’exposition en mesure spot mesure spot et avec un Nikon, il faudra décocher cette option dans le menu. La mise au point et la mesure de la lumière n’ont aucun rapport. Autant vous dire que si vous n’êtes pas familier de cette pratique – qui remonte à l’argentique avant que l’on ait un histogramme – cela ne va être ni très simple, ni très rapide !

A quoi sert vraiment la mesure spot

Il y a quand même quelques cas où elle est utile. Dans les concerts par exemple, le contraste énorme entre fond et sujet éclairé font que le mode de mesure matricielle se plante souvent. Si l’éclairage ne change pas beaucoup, vous pouvez contrôler rapidement l’histogramme et corriger. Mais souvent les changements d’éclairage sont rapides et fréquents. Dans ces cas là la mesure spot s’avère pratique et précise, mais pensez à faire la mesure sur la partie de votre sujet qui vous parait être la plus proche d’une zone de réflexion à 20%. Visage ou vêtements de couleurs claires, pas trop brillants, etc. S’il s’agit d’une personne à la peau et aux vêtement noirs ça ne fonctionnera pas et ça risque de sur-exposer l’image.

Si la mesure spot tombe sur une zone qui réfléchit trop la lumière (vêtements blancs, brillants, lamés, etc.), elle pensera que la scène est très éclairée et fermera dont trop le diaphragme par exemple. L’image sera sous exposée. Si au contraire elle tombe sur une zone qui réfléchit moins que 18% (vêtements, noirs, gris très sombres, sapins, forêt, etc.) elle pensera qu’il y a peu de lumière et ouvrira fortement le diaphragme et l’image sera surexposée. Si la chanteuse ou le chanteur a la peau claire, vous pouvez faire la mesure sur son visage. S’il a la peau foncée ou noire, sous-exposez d’1 stop d’office. L’idéal est bien sûr d’avoir l’histogramme dans le viseur – ce qui est le cas de la plupart des hybrides.

Mesurer les ratios de contraste

Notre système visuel a une dynamique largement supérieure à celle des meilleurs capteurs numériques. Si vous en doutez vous devriez lire la Grammaire de l’image – écrit par votre serviteur. En clair, vous ne pouvez pas vous fier à vos yeux pour déterminer le contraste d’une scène ou sa dynamique. Et c’est là que la mesure spot trouve son utilité. Il suffit de faire une mesure sur la partie la plus sombre de la scène puis sur la partie la plus claire et de compter combien de stops il y a entre les 2. Cela vous donnera la dynamique de la scène et vous permettra de décider s’il faut faire un HDR, utiliser un réflecteur ou un flash.

Exemple : mesure sur la partie la plus sombre = f/8 – 1/250° de sec. /// mesure sur la partie la plus claire = f/8 – 1/8° de sec. – soit une différence de 5 stops (250 : 2 = 125 : 2 = 60 : 2 = 30 : 2 = 15 : 2 = 1/8° de sec.). Là c’est sûr vous avez intérêt à gérer la dynamique sinon vous aurez des zones bouchées (noires) ou brûlées (claires). Est-ce que les professionnels font comme ça ? En studio, avec une cellule à main en lumière incidente oui c’est utile car on a le temps et on va utiliser un réflecteur par exemple pour gérer la scène. Sur le terrain, c’est quand même un peu long. Personnellement je me fie à mon expérience et à l’histogramme pour déterminer le contraste et décider s’il faut faire un bracketting pour réaliser une image HDR.

Mesure spot et carte grise

S’il y a un domaine dans lequel la mesure spot s’avère très utile c’est lorsque l’on utilise une carte grise. Celle-ci possède en effet  précisément un indice de réflexion à 18%. Une mesure spot sur une carte grise placée juste à côté de votre sujet vous donnera donc l’exposition la plus juste et précise qui soit – et la possibilité d’avoir une balance couleur parfaite, mais c’est un autre sujet.. C’est pratique en studio avec lumière continue, en photo culinaire, etc. Mais ça suppose que l’on ait le temps de placer la carte, mesurer la lumière et reporter les chiffres en mode manuel.

 

Travail avec histogramme dans le viseur et mode manuel

Pour les photos de concert ou de spectacle, rien ne vaut l’affichage de l’histogramme dans le viseur. Passez en mode manuel et sélectionnez le mode de mesure centrale. Choisissez – si votre boitier propose cette option – la plus petite zone possible (8% la plupart du temps). Mettez vous en ISO auto, sélectionnez le vitesse et l’ouverture que vous voulez. Placez le rond central sur votre sujet et corrigez en fonction de l’histogramme. C’est simple, très efficace et rapide. Un ajustement de la sensibilité maximale et de la vitesse d’obturation minimale est parfois nécessaire selon votre sujet et les conditions d’éclairage.

La fin d’un mythe

La mesure spot était très utilisée à l’époque de l’argentique, notamment par ceux qui travaillaient en diapositive parce que ces films n’avaient une tolérance d’exposition que de 1/3 de diaph. La mesure matricielle ou centrale manquaient donc de précision. Mais ce n’est plus du tout le cas avec le numérique. La tolérance d’exposition est désormais de 1,5 voire 2 diaphs. Ce qui laisse de la marge. En dehors des cas de portraits en contrejour ou en lumière rasante – si le sujet a la peau claire ou simplement halée – des photos de concert et de l’utilisation d’une carte grise, la mesure spot n’a plus vraiment d’utilité. Dans le cas d’une photo d’un monument de nuit par exemple : une vue test suivie d’une éventuelle correction de l’histogramme sera bien plus rapide qu’un passage en mesure spot. Et vous ne risquez pas de l’oublier …

Pour moi la mesure spot appartient très largement au passé à l’exception des quelques cas que nous venons de voir – les principaux étant les concerts et spectacles.

Conclusion

La mesure spot a un petit côté « mythe », mais il faut reconnaitre qu’elle a pris un petit coup de vieux. Bref, elle ne sert plus à grand chose. Si vous avez un hybride avec possibilité d’affichage de l’histogramme dans le viseur, la mesure centrale, s’avère plus pratique dans tous les cas habituellement réservés à la mesure spot (concert, spectacle, portraits en contrejour, etc.). Si vous avez un reflex, elle a encore une utilité dans ces types de prises de vue, mais rappelez vous qu’il ne s’agit pas de faire la mesure sur la zone qui vous intéresse, mais sur une zone réfléchissant 18% de la lumière … ce qui est bien différent.

Enfin, pour le travail avec une carte grise, hybride ou reflex, elle est très utile, rapide et précise.

Voilà, j’espère que cet article vous a plus et vous permet d’y voir plus clair.

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